Cette femme septuagénaire, originaire du village Tifilkout dans la commune d'Illiltèn, au sud de la wilaya de Tizi Ouzou, Nna Aldjia Ouama, née Naït Mouloud, vient d'éditer son premier recueil de poésie écrit en tamazight. Resté dans l'anonymat depuis ses débuts, cette femme au regard paisible, sort de l'ombre des pierres, pour étaler une lumière, une poésie, emmagasinée en elle depuis des années. C'est un souffle qui sort des profondeurs. La poésie ressurgit, comme dans un miroir qui reflète la lumière du jour, à travers, Nna Aldjia, c'est tout un quotidien qui se raconte, c'est aussi l'épopée d'un être et de tout un village du Djurdjura. Au menu de cette “recette poétique", quelque 140 poèmes portant sur l'avant et l'après-guerre et même des sujets d'actualités, tel la harga. Observatrice et témoin de son temps, Nna Aldjia exprime, à travers l'ouvrage intitulé “Nna Aldjia a dit", son quotidien et les changements sociaux auxquels elle est confrontée, présentés spontanément par des mots très simples et un vocabulaire du quotidien. Elle porte l'empreinte brute de chaque instant ayant marqué sa vie et celle des autres villageois. Elle n'est pas moins insensible au vécu de tous ces jeunes qui traversent la mer à la quête d'un autre “eldorado". Ce sont aussi ses enfants. Elle dit : “À quoi sont dues toutes ces misères/ Sûr, les gens n'en sont pas dupes/ Ma compassion va aux jeunes qui en souffrent/ C'est un pays aux lois bafouées/ Qui renie jusqu'à ses enfants/ Privés de toutes libertés". Plus loin dans le même poème intitulé “El harraga", elle enchaîne : “Dans les felouques ils s'embarquent/ Leurs vies à la merci des vagues/ La noyade les guette derrière l'écume". Rencontrée lors du salon Djurdjura du livre où elle a présenté son livre, elle dira : “Je fais de la poésie, dans la joie ou dans la douleur, je chante mes sentiments, je psaume. Comme toutes ces femmes de Kabylie, j'ai l'habitude de chanter en toute circonstance". Ses poèmes sont une fresque vivante, sur la vie, l'exil (lghurva), l'amour, la guerre, le printemps noir, l'artiste, la jeunesse...“Nous avons connu la misère, la guerre, mais nous avons toujours gardé l'espoir et le goût à la vie. Actuellement, les moyens existent, mais les gens se sentent encore plus vulnérable à ce changement. Ma poésie, c'est mon vécu", ajoute-t-elle. Née au cœur du Djurdjura, elle récitait ces poèmes en catimini, au village, lors des fêtes villageoises. Une richesse orale qu'elle a décidé de partager. K T