Blessé. Touché dans son orgueil, Ahmed Ouyahia a cédé devant les attaques des redresseurs du RND. Fin tacticien, Ahmed Ouyahia a bien calculé son coup en annonçant sa démission par une lettre adressée aux militants. Celle-ci est motivée par le seul souci de préserver le parti et l'unité de ses rangs et surtout d'éviter le risque que le RND vive la même crise que celle du FLN. Sa démission prend effet à partir du 15 janvier, soit deux jours avant l'ouverture de la session du conseil national qui se chargera de désigner un secrétaire général intérimaire. Mais il reste militant du parti, a-t-il précisé dans sa lettre. Ainsi le conseil national aura le loisir de nommer un nouveau SG qui aura pour principale mission la préparation du prochain congrès ou du congrès extraordinaire du parti. Mais la facilité avec laquelle Ouyahia a cédé devant ses opposants reste problématique. Elle se prête, en effet, à plusieurs lectures. Même si Ouyahia avoue que sa démarche n'a aucun lien avec des ambitions ou des calculs personnels, ses déclarations au sujet de la présidentielle sous-entendaient sa disposition à se présenter mais pas contre le président Bouteflika. Et en prenant cet écart, rien n'indique qu'il profitera de cette distance pour revenir aux affaires avec plus de prétentions selon le prochain calendrier. Cette lecture pourrait être faite par ses détracteurs au sein du parti qui, selon des indiscrétions, ont décidé du report de la session du 17 janvier du conseil national et d'assurer l'intérim du secrétariat général par un directoire. De telle sorte à barrer la route aux ambitions d'Ouyahia. Certains préfèrent, selon les mêmes indiscrétions, voir l'ancien ministre de la Santé, Yahia Guidoum, qui assure la coordination, présider le directoire. Pour la succession d'Ouyahia, on avance déjà au moins deux noms, celui de Bensalah dont le mandat à la tête du Sénat a expiré avant-hier et celui du ministre de l'Industrie, Chérif Rahmani. Mais le premier semble avoir plus de chance de l'emporter lui qui fait consensus au sein du RND et en dehors. Il est également pressenti, dans le cadre de la révision de la Constitution, de prendre la vice-présidence dans le cas où le poste serait introduit. Les redresseurs du RND ne semblent pas être convaincus des motivations de la démission d'Ouyahia qui a bien précisé que sa décision n'était pas au service d'un agenda personnel. N'en ont-ils d'ailleurs pas tenu compte en adoptant une stratégie de barrage qui l'isolerait. Il n'en demeure pas moins que l'ancien Chef du gouvernement, bon connaisseur des arcanes du pouvoir et diplomate aguerri, a bien calculé sa sortie en se mettant dans un costume d'opposant. Opposant en apparence pour avoir été gêné dans ses actions exécutives. À peine d'ailleurs a-t-il été démis de ses fonctions qu'il a adopté un discours surprenant. Assumant une partie de l'échec de l'Exécutif pour avoir eu les mains liées, il accusera d'autres parties d'être derrière les blocages. Il ira plus loin à l'occasion de la campagne électorale pour les locales en accusant la maffia et l'argent sale d'avoir gangréné les rouages de l'Etat. Une sémantique inconnue au RND qui s'est mis dès sa création en 1997 au service de l'Etat et plus tard au service du président Bouteflika. Ce dernier ne l'a accepté que pour sa compétence mais il n'a jamais accepté de le voir dans une posture de rival ou de concurrent. En attendant son jour, Ouyahia, suivant l'exemple de Saïd Sadi, a pris la décision de se retirer et de céder la place dans un geste hautement symbolique se référant directement à l'alternance. Mais il est difficile de désigner le destinataire du message. Les “tab jenanou" ? Possiblement. L'inverse aussi est valable dans la mesure où la tendance actuelle, caractérisée par les redressements, tend à reconfigurer la scène politique avec comme fond la mise au placard des potentiels candidats à la présidentielle de 2014. Cela d'autant plus que la piste d'un quatrième mandat pour le président Bouteflika a commencé à faire son chemin. La stratégie voudrait que le terrain soit d'ores et déjà balisé bien avant la manifestation des prétendants. Une lecture qui vaut une autre dans la mesure où l'idée émane des comités de soutien au programme du Président. En définitive, au risque de voir son ambition contrariée par la démarche des redresseurs, Ouyahia, par calcul, prend une distance et du temps, le temps de se faire oublier et de se reconstruire une nouvelle image avant de revenir au-devant de la scène. D B