Le mouvement de “redressement” du FLN règne en maître dans cette wilaya. Abdelaziz Bouteflika peut d'ores et déjà être rassuré sur les intentions de vote des électeurs de Tindouf. À peine est-il arrivé, hier, en fin de matinée au chef-lieu de cette wilaya qu'une délégation, composée d'élus locaux (FLN, RND et MSP) et de notables des trois tribus les plus influentes (Rgibat, Djakara et Cheraga), s'est précipitée dans sa direction pour lui faire vœu d'allégeance. “Nous vous appelons à vous porter candidat pour un second mandat”, l'a exhorté un élu en faisant lecture d'une motion de soutien enflammée. Cette “déclamation” très prévisible a eu lieu devant le siège de la wilaya, au terme d'un parcours pédestre du président de la République sur l'avenue principale de la ville. La foule, composée d'élèves contraints à l'école buissonnière, de vieillards et de jeunes chômeurs oisifs, de militants du FLN versés dans le mouvement de “redressement” ainsi que de… nombreux réfugiés des camps sahraouis voisins venus l'acclamer, devait surtout le conforter dans ses ambitions électorales. “Le mouvement de redressement est avec toi”, “Le RND te soutient”…, pouvait-on lire sur les différentes banderoles déployées sur l'itinéraire du cortège officiel. Ces messages fort élogieux n'ont pas manqué, évidemment, de susciter la sympathie du locataire du palais d'El-Mouradia vis-à-vis des nombreux badauds transformés en porte-étendards d'un bout à l'autre de la rue. Chaleureuses poignées de main, embrassades, petites tapes de la main sur les têtes des enfants, le chef de l'état a multiplié les marques d'attention et de reconnaissance à l'égard de ses hôtes, des gens ordinaires et pauvres, trop heureux qu'on se souvienne enfin de leur existence. Pour marquer un peu plus son ancrage et laisser une trace palpable de son passage, Bouteflika n'a pas oublié, comme ailleurs, de revêtir l'habit de saint Nicolas en faisant une dotation financière supplémentaire à la wilaya de l'ordre de 300 milliards de centimes. le ministre de l'intérieur et des collectivités locales, Yazid Zerhouni, qui a annoncé le montant de cette enveloppe au cours de son habituel point de presse, a mis en exergue la multiplication par six de la valeur du budget d'équipement de l'état octroyé à Tindouf depuis l'investiture de Bouteflika. C'est dire combien ce dernier mérite un second mandat, aurait pu ajouter Zerhouni ! Il l'a néanmoins laissé entendre en se faisant l'écho d'une seconde visite présidentielle pour s'enquérir de l'utilisation à bon escient de la nouvelle manne. Après avril 2004 ? Probablement. En attendant il faut gagner les élections. Les tournées à travers le pays servent, en grande partie, à cela. En se rendant à Tindouf, le président devait normalement être entouré de tous les ministres, du moins de l'essentiel de ceux concernés directement par les projets et les réalisations au menu de ce déplacement. Or, des membres de l'exécutif présents à ses côtés, il y avait surtout ses hommes, Zerhouni, Barkat (ministre de l'agriculture) et Haraoubia (ministre de l'enseignement supérieur). Les deux derniers sont des membres actifs du mouvement de “redressement” alors que Zerhouni a le contrôle de toute l'administration et organisera le prochain scrutin. Dans la délégation, on pouvait aussi apercevoir le frère du président, Saïd. Au total, une quinzaine d'étapes étaiet inscrite au menu de cette visite marathon. à chacune de ses escales, très brèves d'ailleurs, au nouveau service pédiatrique de l'hôpital de la ville, au lycée..., le chef de l'état s'est exprimé sur le même ton, empreint de paternalisme. Il a écouté patiemment les doléances des uns et des autres et exhorté les responsables et les maîtres d'œuvres à plus d'efforts. à moins de trois mois de la présidentielle, il est évident que le candidat a pris la place du président. Sauf que contrairement à ses rivaux, Bouteflika a tous les moyens à sa disposition, y compris l'argent public qu'il brandit comme gage de sa bonne foi et de son engagement. La semaine prochaine, d'autres wilayas, en l'occurrence Khenchla, Oum El-Bouaghi et Constantine (encore !), feront l'objet du même rituel à l'occasion d'énièmes “visites de travail et d'inspection”. S. L.