Sonatrach, la compagnie pétrolière nationale qui procure 98% des recettes en devises du pays et plus de 70% des recettes fiscales à l'Algérie, voulait fêter en grande pompe le cinquantenaire de sa naissance. Les festivités devaient commencer en décembre dernier. Le 24 Février 2013, anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, allait être choisi comme un moment fort de la célébration de sa création. Une série d'inaugurations de gisements et d'installations industrielles allaient contribuer à fêter avec faste cet événement. Mais deux faits majeurs vont contrarier cet anniversaire. La prise d'otages de Tiguentourine a mis à nu de graves défaillances dans la gestion sécuritaire des sites pétroliers confiée à des sociétés privées. À cause de ce drame, Sonatrach va reporter la mise en service du pôle pétrolier d'El-Merk qui produira, dès 2013, 127 000 barils/jour de pétrole et de condensat. Second triste événement : le parquet de Milan fait état de versement de 200 millions de dollars de pots-de-vin à de hauts responsables algériens pour que Saipem, une filiale du groupe ENI, décroche plus de 10 milliards de dollars de contrats en Algérie. Chakib Khelil et Mohamed Bedjaoui sont nommément cités. En fait, ce qui ressort des révélations italiennes est que les affaires traitées par le pôle spécialisé de Sidi-M'hamed ne représentent que la petite corruption, des délits mineurs, par rapport au grand détournement de l'argent public, occulté par les services de contrôle. Pour des avocats de la défense, les présumées dilapidations de deniers publics inhérentes au scandale de Sonatrach relèvent du risque de gestion. Fortes présomptions de corruption sur les contrats pétrochimiques Pour Malti, l'ex-vice-président de Sonatrach, la grande corruption à Sonatrach réside dans les opérations de trade à l'étranger, c'est-à-dire dans les ventes de gaz et de pétrole algérien et non algérien à l'étranger. Un terrain que les services algériens de contrôle arrivent difficilement à investir. Malti lance l'hypothèse que ces derniers cherchent à protéger les pontes du régime, grands bénéficiaires des fruits de ce négoce estimés à plusieurs milliards de dollars. Faut-il aller aussi loin ? En tout cas, la grande corruption pèse aussi sur les grands contrats pétrochimiques. Des responsables de Sonatrach soupçonnent de fortes commissions dans la conclusion des contrats de réalisation des deux complexes d'ammoniac et d'urée à Arzew avec respectivement Orascom et l'omanais Suhail Bahwan. Dans ce dernier, une entorse aux us et coutumes de Sonatrach : le contrat est signé à la présidence de la République. Dans ces deux contrats : le gaz algérien cédé à Orascom et Suhail Bahwan est bradé : il est de seulement 0,50 dollars par million de Btu. Des investigations plus poussées devraient confirmer ou non ces soupçons. Ainsi, trois ans après la détention à Serkadji de deux vice-présidents de Sonatrach, Benamar Zenasni et Belkacem Boumediène, et la mise sous contrôle judiciaire de son P-DG, Mohamed Meziane, le flou entoure toujours l'affaire Sonatrach. Tant que les tenants et aboutissants de ce scandale ne seront pas élucidés par la justice algérienne, il est vain de s'attendre à ce que les cadres algériens dans le secteur public prennent plus de risque. Il ne faut pas espérer également que les Algériens donnent du crédit à nos gouvernants. K. R.