Résumé : Katia dévoile à son père qu'elle était heureuse de retrouver enfin son frère car elle se sentait seule et délaissée. Cette remarque ne plaira pas à Tahar, qui lui rétorque qu'elle possédait tout ce qu'il fallait pour vivre heureuse. Azad s'insurge et réplique que rien au monde ne pourra remplacer l'affection et l'amour. Aucun être humain n'est censé vivre heureux et équilibré sans ces facteurs primordiaux. Azad remonte dans sa chambre et allume la télé... Il entendit Katia monter les marches d'escalier et tirer les rideaux du couloir. Il se faisait tard. Elle devait être fatiguée. Il hoche la tête : maintenant il est là et ne laissera pas sa sœur sombrer dans la dépression. Pour l'instant, certes, rien ne prévoyait un tel risque, mais à ce qu'il avait remarqué en ces quelques heures de présence dans cette maison, c'est que les erreurs du passé se reproduisaient. Les leçons n'avaient pas été retenues. Quelques jours plus tard, il emménageait chez lui. L'appartement était spacieux, le salon assez grand pour servir de cabinet de consultation. Il avait prévu d'utiliser le hall d'entrée comme salle d'attente et les deux pièces comme chambre à coucher et chambre d'amis. Il sourit. Pour l'instant, ici, il n'avait pas encore d'amis. Les siens étaient ailleurs, en Europe pour la plupart, ses camarades de promo, ses collègues, ses voisins. Mais cela ne veut pas dire non plus qu'il ne va pas se faire d'autres amis dans son pays. Il allait recevoir aussi des gens qui vont se livrer à lui, et lui raconter les raisons de leur malvie. Il va les écouter, les réconforter et les orienter dans leur quotidien, et pourquoi pas se rapprocher d'eux. Une relation entre un médecin et son patient peut toujours devenir amicale et profonde. Il passe en revue tous les recoins de l'appartement, puis sort sur la véranda pour admirer le soleil couchant. Katia avait proposé de l'aider à s'installer. Il avait refusé... Il ne voulait pas être une charge pour elle alors qu'elle préparait son bac. Mais pour ne pas la décevoir, il lui avait demandé de lui donner des idées sur les dispositions des meubles, des tapis, des plantes. Elle était venue visiter l'appartement dès le matin et avait apprécié son choix. Azad avait passé trois journées à sillonner les magasins d'ameublement et les rayons de vaisselle pour meubler le salon, sa chambre et la cuisine. Il n'était pas mécontent. Avec ce qui lui restait sur l'achat de l'appartement, il s'était permis un beau salon en cuir, un bureau en hêtre, une bibliothèque où s'alignaient déjà plusieurs encyclopédies et ouvrages, un réfrigérateur, une cuisinière et une machine à laver. Katia l'avait aidé à choisir la vaisselle, une table de cuisine, et les quelques accessoires requis pour démarrer. Azad avait commandé aussi une enseigne, qu'il compte accrocher le plus tôt possible au bas de l'immeuble. L'enseigne doit comporter son nom, sa profession, l'étage et le numéro de son appartement. Il s'étire. La nuit commençait à voiler la ville. Il faisait un peu frais et il dut quitter la véranda pour s'engouffrer dans le salon. La télévision diffusait un documentaire sur les animaux. Il change de chaîne et constate que les autres programmes n'étaient pas intéressants. Alors il se rendit dans la cuisine et se prépare hâtivement une omelette et une salade. Il avait acheté quelques fruits, des fromages, des yaourts, et même des gâteaux. Après le dîner, il prépare un thé, et fait la vaisselle. Son portable se met à vibrer. C'était Katia, elle voulait sûrement lui demander si tout allait bien. Il décroche et la voix de sa sœur l'agresse : - Azad, pourquoi n'es-tu pas venu pour le dîner ? On t'avait attendu. Il était surpris, personne ne lui avait demandé de venir dîner à la maison. Cela fait plus de trois jours que sa marâtre l'évitait, et ce matin, il avait annoncé à son père qu'il quittait la maison le jour même pour s'installer chez lui. Le vieil homme n'avait fait aucun commentaire. Ce qui voulait dire que, tout compte fait, c'était pour eux tous la meilleure solution. - Je suis désolé Katia, répondit-il d'une voix calme, je ne savais pas que vous m'attendiez, j'ai déjà dîné. - Tu as dîné ? Qui a fait la cuisine? - Moi-même... - Ah !.... tu as préparé quelque chose d'infect, je présume. Il sourit, sa sœur était en colère contre lui, et il aimait bien ses remontrances naïves. - Je ne sais pas ce que tu appelles infect, mais je t'assure que je cuisine mieux qu'une femme. J'ai vécu des années seul, ne l'oublie pas et... et je suis encore seul. - Mais non Azad, maintenant tu es avec nous, avec ta famille. - Merci ma chère sœur, mais je pense que ton avis n'est pas partagé par les autres. - Tu te trompes, c'est maman qui m'avait demandé de t'appeler. - Hein ? Que racontes-tu ? - La réalité, c'est maman qui a cuisiné aujourd'hui. Elle a fait un couscous, une de ses spécialités. - Personne ne m'avait prévenu. - Parce qu'on pensait que tu allais venir dîner comme d'habitude. (À suivre) Y. H.