Les négociations pour l'adhésion de l'Algérie à l'OMC, quasiment à l'arrêt depuis 2008, sont sur le point de reprendre, mais avec quelles chances de succès ? C'est dans la plus pure langue de bois bureaucratique à laquelle nous sommes habitués depuis maintenant près de 2 décennies que le ministre du Commerce, M. Mustapha Benbada, a annoncé, la semaine dernière, la reprise prochaine des négociations pour l'accession de l'Algérie à l'OMC. On apprend ainsi qu'une “série de rencontres bilatérales avec dix pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) précédera la réunion formelle avec le groupe de travail chargé du dossier d'adhésion de l'Algérie à l'organisation, prévue le 5 avril prochain à Genève". Ces négociations bilatérales se dérouleront, entre autres, avec les Etats-Unis d'Amérique, le Japon, l'Australie, le Salvador, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Turquie et la Corée du Sud. Il ne s'agira de rien moins que la 11e réunion de ce groupe de travail depuis sa création qui remonte à 1995, faisant ainsi de l'Algérie, comme on le sait, le plus ancien négociateur avec l'OMC. Au printemps 2012, déjà, c'est un panel de hauts fonctionnaires algériens impliqués dans ces négociations au long cours, qui indiquait que l'Algérie avait décidé de reprendre langue avec l'OMC et évoquait une volonté d'accélérer le processus de négociations. Une décision qui avait accouché en tout et pour tout d'une “réunion informelle" du groupe de travail. Le gouvernement algérien aurait-il décidé de passer à la vitesse supérieure ? Rien n'est moins sûr. Une situation plus compliquée depuis 2008 Outre les thèmes de discussion classiques qui ne manquent pas et qui augurent déjà de négociations “longues et difficiles", la situation est devenue encore plus complexe depuis 2008. En plus des sujets évoqués lors des réunions précédentes du groupe de travail sur l'Algérie, les négociateurs algériens vont en effet devoir répondre à une salve, qui s'annonce nourrie, de nouvelles “questions" formulées par les partenaires commerciaux de notre pays. Pour un expert algérien, “il va falloir désormais ouvrir de nouvelles discussions avec les membres de l'OMC autour des mesures restrictives prises depuis près de 3 années, des mesures qui, pour nombre d'entre elles, sont incompatibles quelquefois avec un certain nombre de règles des accords administrés par l'OMC. A ce niveau, la difficulté n'est pas tant dans la négociation mais dans l'impact éventuel que le renoncement à ces restrictions commerciales pourrait engendrer sur les politiques publiques telles qu'elles sont conduites par les autorités économiques algériennes au cours des dernières années". D'où le scepticisme de la plupart de nos interlocuteurs sur les chances de voir ce nouvel épisode de la négociation déboucher sur des avancées significatives. Un immobilisme intenable Comment interpréter alors la volonté manifestée par les autorités algériennes de relancer les négociations avec l'OMC ? Les explications proposées sont nombreuses. Selon l'une d'entre elles, “l'accession à l'OMC de pays comme la Chine et tout récemment de la Russie sont des facteurs qui ont pu jouer en risquant de souligner une forme d'immobilisme des autorités algériennes". Un spécialiste éclaire les enjeux du récent effort de communication des fonctionnaires algériens. “Dans une négociation comme celle de l'accession à l'OMC, la communication est une dimension essentielle. Après tout, pour une demande d'accession qui date de plus de vingt années, c'est le moins qui puisse être fait que d'expliquer pourquoi si peu de progrès ont été réalisés. Que des points de blocage soient rencontrés et qu'une partie à la négociation ne veuille pas céder, rien de plus normal, après tout. Mais que des discussions si longues aient cours et que rien ne vienne expliquer pourquoi elles n'aboutissent pas, cela risque d'écorner sérieusement le crédit international de l'Algérie et renvoie plutôt l'image d'un pays en mal de gouvernance". C'est dans ce registre relevant plus de la posture du négociateur que d'une démarche réaliste et pragmatique d'accession à l'OMC que peuvent être replacées les déclarations récentes des fonctionnaires algériens indiquant que “l'Algérie n'a eu de cesse de revendiquer un processus d'accession plus transparent et plus simple" ou encore que notre pays a sollicité “des périodes de transition, à court, à moyen et à long terme". C'est sans doute également pour faire taire les reproches d'immobilisme qu'on indique, au ministère du Commerce, que “sur le plan bilatéral, notre pays a déjà signé 6 accords avec le Brésil, l'Uruguay, Cuba, la Suisse, le Venezuela et l'Argentine". Quelle stratégie ? Négociations pour l'accession à l'OMC, révision de l'accord d'association avec l'UE, zone de libre-échange arabe, l'Algérie est engagée sur une multitude de fronts sans que les contours d'une stratégie d'ensemble cohérente semblent avoir été définis et portés à la connaissance du public algérien aussi bien que des partenaires internationaux de notre pays.L'évocation incantatoire et systématique de la seule “défense des intérêts nationaux" par les responsables politiques algériens inspire des commentaires désabusés à certains négociateurs algériens qui avouent s'être le plus souvent trouvés face à des dossiers d'une grande complexité, dépourvus de repères et dans l'incapacité d'identifier la teneur de cette notion faute d'un travail préalable d'identification et de définition des objectifs. Pour nos interlocuteurs, la construction et l'identification de l'intérêt national ne relèvent pas de la seule évidence et ne peuvent pas être le produit de la réflexion des seuls fonctionnaires. Elles sont, au contraire, le produit d'un processus long et complexe de concertation avec les opérateurs économiques publics et privés dont l'absence est certainement le talon d'Achille de la stratégie des pouvoirs publics algériens Plus que dans le discours des responsables politiques, les contours de cette stratégie sont aujourd'hui tracés par des personnalités indépendantes ou des groupes de reflexion. “L'Algérie doit se réapproprier sa politique commerciale extérieure et en faire un instrument de développement économique», estimait, voici quelques jours, Mouloud Hédir, spécialiste de ce dossier", qui ajoute : “Il faut que nous assumions, officiellement, l'ouverture économique de notre pays." Mouloud Hédir estime que l'Algérie “ne peut se permettre d'être en dehors de l'OMC". Selon lui, “il n'y a pas un meilleur lieu pour défendre ses intérêts que d'être à l'intérieur de cette organisation". C'est également le point de vue exprimé récemment par les experts de Nabni qui propose dans leur rapport publié en janvier dernier d'«engager de manière crédible et irréversible un processus d'ouverture à l'économie mondiale en alignant, au 1er janvier 2020, tous les échéanciers d'adhésion aux traités commerciaux internationaux (OMC,ZALE, UMA)". Pour l'instant, rien n'indique que ces appels aient des chances d'être entendus par les autorités algériennes. H. H.