Résumé : Quelques jours passent. Un après-midi, alors qu'il ne s'y attendait pas, Hadjira vint retrouver Azad. Elle voulait une franche discussion avec lui, avant de lui donner sa réponse quant à sa demande en mariage. Ellétait curieuse de découvrir son passé et Azad entame un long récit sur sa vie. Il poursuit. - Katia était encore trop jeune. Déjà, pour m'éloigner de la maison, mon père m'avait mis dans un internat pour mes études moyennes et secondaires. Pour ma belle-mère, j'étais un peu cet intrus qui ne devait pas la déranger. Elle était la maîtresse de maison attitrée et mon père la vénérait. Zahia connaissait ses faiblesses. De ce fait, tous les subterfuges étaient bons pour m'écarter. Pour elle, j'étais un souvenir amer. Un souvenir qui lui rappelait ma mère. Zahia avait connu mon père avant son mariage, mais la famille l'avait rejetée, et avait choisi une cousine éloignée pour ce fils qui, à 27 ans, voulait déjà quitter les siens pour suivre une femme. Une inconnue pour mes grands-parents qui, eux, préférèrent garder des liens familiaux unis et à l'abri de toute intrusion étrangère. Tahar, mon père, n'avait jamais aimé sa première femme. Il lui avait mené la vie dure. Mais comme elle avait été élevée dans la plus pure des traditions familiales, ma mère savait qu'elle ne pourrait jamais être celle qui allait diviser la famille par un divorce. La perspective lui paraissait même inconcevable. Alors elle prend son mal en patience, et lorsqu'elle fut enceinte de moi, elle espéra que la venue d'un enfant dans la maison allait rehausser son estime dans l'esprit de mon père. Hélas, ce n'était pas le cas. Mon père était révolté à l'idée d'avoir un enfant de cette femme qu'il n'avait jamais aimée. Il fut même déçu d'apprendre qu'elle lui donnait un garçon. Un héritier qui allait perpétuer le nom de la famille et assurer une longue descendance. Ce fut un choc pour ma mère, qui apprendra de la bouche de mon père qu'il refusait même de me choisir un prénom. Alors n'écoutant que son instinct, elle me serra contre elle et demanda à mon grand-père de m'inscrire sous le nom d'Azad. Un ancien prénom berbère qui veut dire “la prospérité", un peu comme Yazid, Zayd, etc. - Je trouve que c'est un joli prénom, lance Hadjira. Il hausse les épaules : - C'est un prénom comme un autre. - Mais non, il y a des prénoms qui accrochent, d'autres pas. - Tant mieux si le mien te plaît. - Ensuite ? - Ensuite, ce fut une vie d'enfer pour ma mère qui savait que son mari entretenait une relation extraconjugale avec Zahia, puisque mon père n'avait même pas pris la peine de le lui cacher. Ma pauvre mère s'était alors confinée dans une vie de recluse. Elle dépérissait de jour en jour. Déçue par son mariage et par la vie, elle ne trouvait de consolation qu'auprès de moi. Elle avait reporté toute son affection sur moi. Plus je grandissais, plus son amour envers moi devenait plus fort. Elle passait beaucoup de temps dans ma chambre, me lisait des contes, me chantait des berceuses ou des chansons d'enfants, et me serrait dans ses bras à m'étouffer. Je la surprenais souvent en train de pleurer. Mais elle essuyait vite ses larmes pour me sourire et affichait un air serein, alors que son cœur saignait. Quand j'eus l'âge d'être scolarisé, elle m'inscrira à l'école la plus proche de la maison. C'était elle-même qui m'emmenait le matin et me ramenait l'après-midi. Mon père, je ne le voyais presque pas. Lorsqu'il m'arrivait par le plus pur des hasards de le croiser dans les escaliers ou dans la maison, il me faisait toujours peur avec son air sévère et sa façon de me regarder. J'étais l'enfant indésirable. Une calamité pour lui, qui continuait à passer la plupart de ses journées et ses nuits loin de nous. Un jour, il me demanda de le rejoindre au salon. Mes jambes tremblaient, alors que j'ouvris la porte de la pièce dans laquelle il séjournait, quand il se rappelait qu'il avait un toit et une famille. Jamais, au grand jamais, je ne l'ai vu partager la chambre de ma mère. Il avait déposé ses affaires dans une pièce du rez-de-chaussée et ne daignait même pas demander un accessoire ou un vêtement à sa propre femme. On était des étrangers qui étaient contraints de vivre sur les mêmes lieux ! Je pris donc mon courage à deux mains pour le rejoindre au salon. Lorsque je fus devant lui, il me dévisagea d'un air autoritaire, avant de poser sa main sur mon bras et de m'attirer vers lui. Je pris peur et tentais de me sauver, mais il me retint d'une main de fer et me força à m'asseoir en face de lui sur le sofa. “Tu es mon fils et je suis ton père. Pourquoi me fuis-tu ?", me demanda-t-il d'une voix forte. (À suivre) Y. H. Nom Adresse email