Ecrivain et maître de conférences à Sciences Po (Paris), Karim Amellal, 35 ans, est cofondateur de sam-network, la première encyclopédie vidéo numérique, mais aussi du site chouf-chouf.com, la première plate-forme vidéo participative sur l'Algérie, lancé il y a 3 mois. Qu'en est-il des résultats de ce “pure player" après un trimestre d'existence ? Liberté : Comment vous est venue l'idée de dédier tout un site à la vidéo ? Karim Amellal : Nous sommes partis d'un constat et d'une attente. Le constat, c'est qu'il y a sur internet aujourd'hui, en Algérie ou en lien avec l'Algérie, des dizaines de médias d'informations en ligne, dont la plupart, tant les versions électroniques des éditions papier que des “pure players" (= médias qui ne sont que sur internet), sont de bonne qualité et font, dans les contraintes que l'on sait, un travail d'information remarquable. Pour autant, ces médias ne font que de l'écrit, pas de vidéo. Ils prolongent sur internet l'expérience d'un journal imprimé. C'est tout à fait normal : c'est leur métier, c'est ce qu'ils savent faire et ils le font très bien. Mais internet, ce n'est plus que de l'écrit, c'est aussi, et de plus en plus, de la vidéo. Or il n'y avait pas de véritable média vidéo consacré à l'Algérie et à la diaspora algérienne sur internet. Et il y a sur internet des millions de vidéos consacrées à l'Algérie, des films, de fantastiques vidéos d'archive, de la musique, des interviews, etc. Or tout cela est éparpillé, dispersé aux quatre coins du web. Nous avons voulu retrouver et rassembler ces pépites et offrir aux Algériens un lieu où voir l'Algérie dans toute sa diversité, dans ses profondeurs, à travers son histoire et ses artistes, un lieu où chacun puisse se sentir bien, chez lui. C'est la première raison pour laquelle nous avons créé www.chouf-chouf.com. La seconde raison, c'est une attente, ou plutôt une demande de participation. Dans tous les domaines, les gens veulent participer, c'est-à-dire discuter, commenter, partager des idées, se rencontrer. La volonté de participer à une histoire collective, à un récit national fonde la citoyenneté et, de ce point de vue, les Algériens sont entrés dans une période de maturité politique : ils ne veulent plus être des spectateurs, passifs, qui prennent ce qu'on leur donne ; ils veulent être des acteurs. Ce phénomène a bien sûr des conséquences politiques dont l'ensemble des pouvoirs de la région, en Algérie et ailleurs, doivent prendre la mesure. Pour nous, cette demande de participation devait être traduite dans notre média : en permettant aux utilisateurs d'être des acteurs du contenu, c'est-à-dire de commenter, de partager les vidéos sur les réseaux sociaux, bien sûr, mais aussi de dialoguer en ligne grâce à un chat et de proposer des vidéos ou des articles. Nous recevons chaque jour plusieurs vidéos d'internautes, beaucoup d'articles aussi, que nous publions. C'est tout cela qui fait de chouf-chouf.com le premier média vidéo participatif sur l'Algérie. Comment faites-vous pour faire vivre votre site ? Quelles sont vos sources de financement ? Pour l'instant, inutile de vous dire qu'elles sont maigres et que nous vivons chichement ! Au démarrage du projet, nous avions réuni une petite somme pour développer et lancer un site qui réponde à nos attentes, qui soit simple, accessible et de qualité, et produire un peu de contenu propre. Chouf-chouf.com a été lancé il y a 3 mois. Il marche très bien, de mieux en mieux, et bientôt nous allons attaquer la phase 2 de notre développement : produire notre propre contenu vidéo. Il va bien sûr nous falloir des ressources, et cela n'a rien de très original, nous comptons sur la publicité. Nous souhaitons des annonceurs qui comprennent et soutiennent notre démarche, qui partagent nos valeurs et souhaitent s'associer au premier média vidéo en ligne sur l'Algérie. C'est une belle aventure qui n'en est qu'à ses balbutiements ! Chouf-chouf.com est le seul site algérien spécialisé dans la vidéo. Un avantage ou un pari osé ? Les deux, sans aucun doute ! Chouf-chouf.com est en effet aujourd'hui le seul média vidéo qui parle de l'Algérie et des Algériens de partout sur internet. C'est un avantage, car nous ne sommes concurrents de personne mais complémentaires de tous ! Je lance d'ailleurs un appel à tous nos collègues des sites d'information en ligne : nous pouvons faire de belles choses ensemble, développons des partenariats ! Nous ne sommes pas un site d'infos écrites, nous ne faisons pas de news et, lorsque nous en faisons, nous ne les traitons qu'à travers la vidéo. Nous constituons une énorme vidéothèque d'archives, de films, de chansons en lien avec l'Algérie qui sont des documents de référence. L'idée est vraiment d'offrir une Algérie virtuelle, et cela, oui, nous sommes les premiers à le faire. Construire, un peu comme une vaste maison nationale, le lieu où toutes les vidéos présentes sur internet concernant l'Algérie seront répertoriées, classées, éditorialisées et disponibles dans un seul lieu, à une seule adresse, c'est un vaste projet, et c'est enthousiasmant ! Là où c'est un pari risqué, c'est justement que... nous sommes les premiers à faire cela, donc que nous essuyons les plâtres, donc que nous devons faire de la pédagogie auprès des annonceurs pour qu'ils comprennent ce que nous faisons. Et puis construire une vidéothèque sur l'Algérie, cela prend du temps, évidemment. Mais nous sommes très confiants et très optimistes. Avoir le temps long pour soi, faire revivre les mémoires grâce aux archives, ne pas être dans la précipitation, dans l'urgence de l'information et ne concurrencer aucun de nos confrères, c'est bien sûr un avantage. Trois mois après le lancement de chouf-chouf.com, où en êtes-vous ? Peut-on avoir une idée sur le nombre de visites uniques et celui des vidéos proposées ? Après 3 mois d'existence, nous sommes actuellement en train de franchir le cap des 100 000 visiteurs. Le trafic croit de jour en jour, à mesure qu'augmente la notoriété du site. Plus de 1500 vidéos sont aujourd'hui recensées, triées et rubriquées sur chouf-chouf.com. Chaque jour, 60% de nos visiteurs sont nouveaux, et le taux de retour est excellent. Enfin, notre audience est à 60% localisée en Algérie et à 40% à l'extérieur, en France principalement, mais aussi au Canada, en Suisse, en Angleterre, etc. Vous avez l'ambition de produire vos propres vidéos. Parce qu'un tel chantier nécessite beaucoup de moyens, comment comptez-vous y procéder pour le mener à bon port ? Nous avons déjà commencé avec un portrait vidéo de Cheikh Sidi Bémol, nous continuons avec des vidéos que nous envoient nos correspondants en Algérie et nous allons poursuivre dans cette voie. Cela ne coûte presque rien aujourd'hui de produire des vidéos de bonne qualité. Il faut un peu de matériel, du savoir-faire et des idées ! Tous les outils sont là et chacun peut s'en servir. C'est d'ailleurs ce qui fait la fortune de YouTube ! La vidéo est un outil d'expression démocratique désormais. Bien sûr, cela coûte plus d'argent de produire un documentaire que de filmer une interview, mais nous allons y venir peu à peu. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons besoin de ressources, donc de publicité. En attendant, nous faisons avec nos moyens et avec tout ce que nous envoient les gens et c'est déjà très bien ! Nom Adresse email