Nous sommes en présence de deux thèses. Les responsables du secteur de l'énergie qui affirment que les réserves conventionnelles des hydrocarbures de l'Algérie sont modestes mais ne se situent pas à un niveau pessimiste, arguant de nouvelles découvertes, et les experts qui prédisent un tarissement de ces ressources à l'horizon 2020-2025. Dans une récente contribution parue dans le supplément économique de Liberté, Mohamed Terkmani, ingénieur et ancien directeur à Sonatrach, estime que "la durée de vie de la rente pétrolière s'annonce bien plus courte que le temps requis pour une transition vers une économie diversifiée... Surtout qu'il n'existe aucune stratégie ni vision claire pour y parvenir et qu'aucun des programmes mis en œuvre à cette fin ne s'est avéré efficace jusque-là". D'autres experts prédisent un tarissement de nos réserves fossiles à l'horizon 2020-25. Dans la reconfiguration stratégique du secteur énergétique mondial à travers notamment l'exploitation du gaz de schiste aux USA et en Chine, où se situera l'Algérie à l'horizon 2030 ? Telle est la question qui taraude les experts et la classe politique qui ne cessent de réclamer un débat national à ce sujet. Pour le PDG de Sonatrach, les réserves conventionnelles des hydrocarbures de l'Algérie sont modestes, mais ne se situent pas à un niveau pessimiste. Ce dernier affirme par ailleurs que "des réserves de 600 trillions de m3 de gaz de schiste sont révélées grâce à des études de partenariat faites sur une superficie de 180 000 km2 et avec juste un taux de récupération de 20%", bien que l'Etat algérien semble avoir opté pour le schiste ; l'on est en droit de nous interroger sur les conséquences de ce choix sur les nappes phréatiques, notamment dans les contrées du Sud, où l'eau est une source de vie. Dans l'intervalle, il faut attendre le résultat des recherches sur l'impact de l'environnement et, surtout, mobiliser des capitaux considérables à cet effet. Le climat des affaires le permet-il chez nous ? Pour ce qui est des hydrocarbures conventionnels, M. Zerguine affirme que le gisement de Hassi Messaoud, plus grand gisement pétrolier du pays découvert en 1956, n'a pas encore révélé tous ses secrets. Le taux d'exploitation de cet important gisement a atteint actuellement 14 à 15% seulement. Pour sa part, Yousef Yousfi, ministre de l'Energie, affirme que l'Algérie a les moyens de reconstituer ses réserves d'hydrocarbures malgré le déclin de certains gisements qui a entraîné une baisse de la production pétrolière. Il est donc normal que cette question focalise les attentions du pouvoir et préoccupe la société et la classe politique. D'autant que, dans un passé récent, l'opacité découlant de la "sacralisation" de cette ressource a favorisé toutes les dérives politico-financières que tout le monde connaît. À l'évidence, l'Algérie dispose d'atouts qui lui permettent de se hisser au niveau des pays émergents, si elle "ose" réformer son système politico-économique en se libérant de la camisole de la rente. Dans une telle perspective, nos ressources énergétiques fossiles constitueront un appoint non négligeable. Comment peut-il en être autrement, alors qu'elle dispose de réserves prouvées de 12,2 milliards de barils de pétrole et 159 trillions de pieds cubes de gaz à janvier 2010, selon Oil and Gaz Journal. Elle se positionne respectivement dans ses deux ressources énergétiques, à la troisième et la deuxième places, des réserves africaines après la Libye et le Nigeria. Dans le domaine gazier, notre pays détient la 10e plus grande réserve mondiale. S'agissant des réserves mondiales en hydrocarbures, les experts et spécialistes des questions énergétiques fossiles prédisent un tarissement de ces réserves à l'horizon 2030. Dans le même sillage, pour d'autres spécialistes, les années 2030 seront marquées par le pic de la production d'hydrocarbures qui ne pourrait dépasser 100 MBA (milliards de barils/an), alors que la dépendance énergétique au même horizon des USA (68,5%), de l'Europe (68,6%), de la Chine (73,2%)... ira en s'accroissant, ce qui ne manquera pas de générer de nouvelles tensions et de nouveaux conflits à l'échelle planétaire. L'intervention récente de l'Occident en Libye est un exemple probant. Selon ces mêmes analystes, les prix des hydrocarbures, dans de tels scénarios, connaîtront vraisemblablement une tendance structurelle à la hausse, même si, à court terme, ils marqueront un fléchissement. Mais il semble que la donne est en train de changer. Selon Abderrahmane Mebtoul, l'Algérie serait une importatrice nette de pétrole dans moins de 15 ans et dans 25 ans pour le gaz conventionnel. Si on admet tous ces scénarios, à l'horizon 2020, les USA et la Chine domineront le marché mondial du gaz et imposeront leurs prix sur la base d'un consensus. Dans ce cas, que deviendront les moyens et petits producteurs tels que l'Algérie ? La problématique est simple. Quitte à nous répéter. Ou le système politique algérien rentier change pacifiquement en anticipant et en collant aux nouvelles réalités géostratégiques mondiales, ou il sera balayé pour céder le pouvoir aux forces du travail et créatrices de richesses hors hydrocarbures. Telle est la question. Et c'est pourquoi un débat national est urgent. A. H. Nom Adresse email