La décision d'opter pour l'exploitation du gaz de schiste, prise lors du dernier conseil de gouvernement, ne cesse d'alimenter une polémique entre les différents acteurs en présence qui demandent un débat national sur la politique énergétique. Fait inédit, la société civile s'implique, alors que l'opinion publique s'interroge sur le bien-fondé d'une telle option qui engage le devenir de la nation. Les conséquences sur nos ressources en eau, capital rare dans notre pays, situé en zone semi-aride et de stress hydrique, risquent d'être désastreuses de l'avis de nombreux experts. Sellal, lors de la présentation de son programme devant les deux chambres du parlement, sentant les réticences, a joué à l'équilibriste. "Ça n'est pas pour aujourd'hui." Cela n'a pas empêché de grandes interrogations de s'exprimer. Fabius, en visite chez nous, dit "ne pas s'ingérer dans ce débat". Mais il caresse, en secret, l'espoir de voir notre pays s'engager dans une aventure qui garantirait l'approvisionnement énergétique de son pays sans se soucier des conséquences sur le nôtre. Aventure du moins récusée en France pour le moment, par manque de maîtrise des techniques liées à l'exploitation du gaz de schiste et de la pression des écologistes qui craignent l'impact sur l'environnement. Au niveau géostratégique, les Américains, en optant résolument pour l'exploitation du gaz de schiste, viennent de bouleverser en profondeur le marché énergétique mondial. Ils visent deux objectifs : s'assurer une autonomie énergétique pour les besoins de leur économie, et dans le même temps contrecarrer la domination russe dans le domaine gazier. La Chine, pour sa part, affiche ses ambitions et n'entend pas rester à la traîne de la bataille énergétique planétaire qui se profile à l'horizon. L'Europe hésite, la France marque un temps d'arrêt. Qu'en est-il de l'Algérie ? Ces problématiques ne datent pas d'aujourd'hui. Déjà le cabinet international CWC Group avait organisé en Algérie le 1er forum international sur l'énergie, Algeria Future Energy Conference 2012, sous le thème "Libérer le potentiel énergétique de l'Algérie". Lors de cette conférence, le ministre de l'Energie avait déclaré : "L'Algérie ne va pas être spectatrice des bouleversements qui sont en cours sur la scène énergétique internationale, elle a l'ambition de continuer à jouer ce rôle positif et constructif sur la scène énergétique et gazière dans le monde"... L'Algérie veut évaluer avec précision son potentiel de gaz de schiste, qui semble "considérable". Dans un entretien accordé au quotidien El-Moudjahid, M. Yousfi affirme qu'une récente étude place les ressources algériennes en gaz de schiste en troisième position dans le monde, avec la possibilité de récupérer jusqu'à 20 000 milliards de m3. "Cette étude n'inclut pas les hydrocarbures compacts dont les ressources s'avèrent considérables. La phase d'exploration est beaucoup moins difficile que celle du gaz conventionnel, mais l'exploitation de ce type de gisement requiert des techniques et technologies adaptées", précisant que ces techniques d'extraction, en l'occurrence le forage horizontal et la fracturation, "sont des techniques fiables et éprouvées, et leur futur développement en Algérie bénéficiera des avancées technologiques réalisées de par le monde". Dans le même temps, l'AIE (Agence internationale de l'énergie) nous dit que les Etats-Unis deviendront le 1er producteur mondial d'hydrocarbures de la planète vers 2020, notamment en gaz de schiste, et un exportateur net de brut vers 2030. Ils sont déjà talonnés par la Chine, qui accélère son programme de développement du gaz de schiste. Les réserves exploitables s'élèveraient à près de 35 000 milliards de mètres cubes sur le territoire chinois. Soit une quantité supérieure à celle présente aux Etats-Unis, environ 25 000 milliards de mètres cubes. Dans cette reconfiguration stratégique du secteur énergétique mondial, où se situera l'Algérie à l'horizon 2030 ? Telle est la question qui taraude les experts et la classe politique qui ne cessent de réclamer un débat national à ce sujet. A l'évidence, l'Algérie dispose d'atouts qui lui permettent de se hisser au niveau des pays émergents, si elle "ose" réformer son système politico-économique en se libérant de la camisole de la rente. Dans une telle perspective, nos ressources énergétiques fossiles et renouvelables constitueront un appoint non négligeable, qui viendront en sus des richesses créées par le travail. Comment peut-il en être autrement, alors qu'elle dispose de réserves prouvées de 12,2 milliards de barils de pétrole et 159 trillons de pieds cubes de gaz à janvier 2010, selon Oil and Gas Journal. Elle se positionne respectivement dans ses deux ressources énergétiques, à la troisième et la deuxième places des réserves africaines après la Libye et le Nigeria. Dans le domaine gazier, notre pays détient la 10e plus grande réserve mondiale. A. H. Nom Adresse email