L'offensive de l'EIIL sur fond de guerre entre chiites et sunnites en Irak bouleverse la carte du Moyen-Orient. Washington et Téhéran se rapprochent pour stopper la crise irakienne. Pour le moment, une coopération militaire est exclue mais sait-on jamais, puisque le président américain a évacué toute implication au sol de ses troupes, de crainte de voir son pays englué de nouveau dans le bourbier irakien et que ses frappes aériennes ont besoin de guidage à partir du terrain. Ne pouvant pas compter sur une armée qui a révélé toutes ses incapacités, des observateurs pensent que les experts militaires iraniens feraient bien l'affaire. Reste que voilà déjà un bon bout de temps que les deux capitales se cherchent. Depuis la dernière assemblée générale de l'Onu, le président iranien Hassan Rohani n'a cessé de tendre sa main, la dernière initiative ayant été annoncé le 10 juin en Turquie avec l'offre d'une coopération militaire avec les Etats-Unis. Le processus s'est donc accéléré avec la débandade de l'armée irakienne face à l'offensive de l'EIIL aujourd'hui aux portes de Bagdad, au point où, ennemis depuis plus de trente ans, les deux pays évoquent dorénavant la possibilité d'un rapprochement inédit pour stopper la progression des djihadistes sunnites au nord de l'Irak. Les discussions se sont ouvertes en marge des négociations sur la crise du nucléaire iranien qui ont débuté lundi à Vienne. Les deux gouvernements n'ont pourtant plus de relations diplomatiques depuis 34 ans. La porte-parole de la diplomatie américaine, Marie Harf, a expliqué que les Etats-Unis et l'Iran avaient un "intérêt partagé" contre l'EIIL. La nouvelle alliance entre l'Iran et Etats-Unis peut surprendre, tant chacun de ces deux pays a incarné le "mal absolu" aux yeux de l'autre. Elle est pourtant largement soutenue aux Etats-Unis, y compris par les va-t-en-guerre islamophobes et pro-israéliens. Nouveau langage même au Pentagone : l'Iran à majorité chiite peut apporter un "soutien de poids" pour repousser les sunnites qui tentent de créer un Etat islamique à cheval entre l'Irak et la Syrie. Conscients de l'embrasement qui guette la région à ce stade, Washington et Téhéran privilégient la voie diplomatique : ils essayent de forcer le Premier ministre irakien Al-Maliki d'intégrer des mouvances sunnites dans un nouveau gouvernement d'union nationale. Barack Obama avait exhorté en 2010 Al-Maliki à partager le pouvoir avec les sunnites, en vain. Le dossier de la future coopération américano-iranienne envenime, en revanche, les relations historiques que l'Amérique entretient avec les monarchies du Golfe, notamment l'Arabie saoudite. Si celles-ci se retrouvent bien dans la volonté américaine de renverser Bachar al-Assad en Syrie, elles ne soutiennent pas du tout le gouvernement irakien et financent même ceux qui veulent le renverser. A Damas et à Bagdad on est persuadé que l'EIIL est entièrement financé par les monarchies du Golfe, notamment celle de Riyad dont l'idéologie wahhabite est une référence pour les djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant, des ultra-radicaux sunnites. Les dirigeants de l'Arabie saoudite n'ont jamais caché leur farouche hostilité à leurs homologues iraniens qu'ils suspectent de vouloir édifier un croissant chiite de Téhéran à Beyrouth en passant par Bagdad et Damas. Comme dans l'histoire de l'arroseur arrosé, les wahhabites se retrouvent complices du rapprochement de leur parapluie américain avec leur ennemi intime en alimentant une mouvance fondée sur la terreur qui poursuit le rêve fantasque de faire flotter son drapeau sur la Maison-Blanche après avoir installé le califat en Irak et en Syrie ! D. B. Nom Adresse email