La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a appelé les radios et télévisions émettant sans autorisation à cesser d'exercer avant la date du 28 septembre. La décision n'a pas été respectée, donnant lieu à un bras de fer qui dépasse la simple fermeture d'une chaîne télévisée ou radiophonique. La Haica est, selon la loi, incontrôlable. Officiellement et légalement, ses décisions ne font l'objet d'aucune contestation, sinon le recours au tribunal administratif. Malgré ces décisions, les chaînes concernées par la fermeture n'ont pas obéi aux injonctions de la Haica et continuaient, hier, de diffuser leurs programmes axés, particulièrement, sur l'événement. Parmi les chaînes concernées, Zitouna, Hannibal et Nessma dont l'audience dépasse les limites géographiques de la Tunisie. Sans mettre la clé sous le paillasson, ces chaînes attendent, actuellement, les résultats du recours au tribunal administratif, unique institution à remettre en cause les décisions de la Haica. Au-delà de l'aspect juridique des décisions de fermeture, l'affaire revêt un caractère politique qu'explique l'entrée, prochainement, du pays dans une période électorale. Aussi, ces chaînes, soutenues par la population, accusent-elles la Haica de se mettre au service de certains partis politiques qui n'avouent pas leurs desseins. C'est le cas de la chaîne Nessma qui a consacré ses émissions, hier, à l'événement, en donnant la parole aux citoyens dans diverses régions du pays pour mettre la pression sur l'instance de régulation. Mettant en cause les motivations juridiques avancées d'une manière voilée par la Haica, juristes, experts en communication et surtout les citoyens s'engagent à défendre les chaînes menacées de fermeture, en particulier Nessma, face à ce qu'ils appellent "un retour à l'ère anté-révolution", caractérisée par l'inexistence de la liberté d'expression. C'est, estime-t-on, un moyen de censurer la libre expression violant le droit du citoyen à une information libre, crédible et constructive. La critique est d'autant plus acerbe que des chaînes, dont la ligne éditoriale et le contenu ne sont pas appréciés par les auditeurs et les téléspectateurs, ont obtenu le sésame qui leur permet de poursuivre leurs émissions sans être inquiétées. Pour les citoyens, la décision de fermer Nessma est motivée par son "courage à mettre en relief toutes les tares dont souffre le pays". La décision, estiment-ils, ne sert pas les intérêts des partis politiques, encore moins ceux du peuple, et la fermeture avant les élections suscite des questions quant à la sincérité de l'instance de régulation qui "cherche à perturber la transition démocratique". Aussi, la Haica est appelée avec insistance à revoir ses décisions qui, il faut le dire, ne prévoient pas la fermeture immédiate des chaînes concernées. La Haica a seulement brandi l'article 31 de la loi relative à l'information. Cette loi prévoit une amende allant de 20 000 à 50 000 dinars (1 DT= 0,4 euro) et la saisie des équipements en cas de non-respect de la loi en vigueur qui impose à toutes les chaînes de se conformer au cahier des charges. Est-ce une manière déguisée de pousser les chaînes concernées à fermer leurs portes ? Selon la Haica, "Nessma cherche à conserver les privilèges, dont elle a bénéficié avant 2011, en cherchant à fuir la concurrence loyale" avec les autres chaînes. Entre la chaîne Nessma et la Haica, le torchon brûle depuis quelques mois. Le 6 août, la chaîne a été sanctionnée pour "apologie du terrorisme". En outre, la Haica se dit prête à réviser le cahier des charges pour le rendre compatible avec les critères internationaux. Ce sera après les élections, a dit son président, qui s'élève contre le monopole en matière de communication. Il n'empêche que la Haica a ignoré l'aspect humain du fait que l'un de ses membres a déclaré n'accorder aucun intérêt au chômage qui frapperait des centaines, voire des milliers de journalistes, techniciens ou administratifs employés par les chaînes menacées de fermeture. Le bras de fer ne fait que commencer, car, au total, une cinquantaine de chaînes radiophoniques et télévisées ont été mises "hors jeu". La Haica résistera-t-elle ou quittera- t-elle la scène en même temps que l'ANC qui l'a désignée ?