L'Algérie est en train de vivre une ère de "stabilité", n'est-ce pas ? Probablement que cette longue expérience de communion d'une société avec son pouvoir fera, dans le futur, l'objet d'attentives autopsies. Ce n'est, en effet, pas tous les jours que l'on rencontre un peuple qui change sa Constitution pour conserver un président qui, sans cela, aurait dû quitter son trône. En tout cas, pas en démocratie, comme... chez nous. Un peuple qui, de son propre chef — si vous permettez l'expression —, renonce à son droit constitutionnel à l'alternance du pouvoir pour bénéficier plus durablement de l'apport de ses providentiels dirigeants... Et — paradoxe ! — pour que ce "vœu" soit exaucé, il a fallu que le précédent chef de l'Etat écourte son premier et unique mandat au nom du principe... d'alternance, jusqu'alors sacro-saint. Pour l'heure, nul besoin de convoquer les bilans pour évaluer cette tranche d'histoire nationale ; les faits parlent d'eux-mêmes : nous en avons redemandé. Et les chiffres, s'il fallait des chiffres, sont éloquents. Nous parlons, ici, des scores électoraux. L'on ne va tout de même pas faire comme Louisa Hanoune qui manifeste régulièrement son soutien au Président, mais lui reproche ses erreurs de casting dans le choix de ses ministres. Un président est démocratiquement élu pour ses capacités, mais aussi pour quelques-unes de ses faiblesses. Mais fallait-il, certainement, que la chef du PT parle d'autre chose que de ce que révèle la mutinerie d'agents de police. Déjà que ce mouvement n'est relié à aucune "menace extérieure"... Non, c'est une question de revendications sociales, et cela ne se prête pas, outre mesure, à une plus grande lecture. Et c'est exactement le message du pouvoir : il est fait d'éléments de salaires. Or, c'est justement la stricte monétarisation de la vie sociale qui caractérise le régime. L'on pourra témoigner que le pouvoir aura beaucoup dépensé pour nous, même si, dans sa prodigalité, l'Etat reste foncièrement injuste. Il y en a qu'il gâte plus que d'autres ; il y en a qu'il enrichit, il y en a qu'il ignore... et il y en a même qu'il appauvrit. Mais qu'il doive largement sa longévité autant à sa propension à réprimer qu'à ses dispositions dépensières, rien n'est moins sûr. Et s'il doit sa "stabilité" à ses largesses, c'est que nous devons être nombreux à en profiter ou, tout au moins, à croire en profiter. L'intérêt des études qui ne manqueront pas de fleurir, une fois le régime parti en retraite, n'est sûrement pas dans cette allure de procès que prennent souvent les évaluations d'après-règne. D'ailleurs, si le procès politique du régime doit être fait un jour, ce sera dans un futur trop éloigné : nous sommes trop nombreux à ne pas le souhaiter, parce que ce sera le nôtre. Où étions-nous, en effet, pour que tant d'abus aient été possibles ? Quand l'histoire est racontée par ses protagonistes, elle est, soit un morceau de bravoure et tout le monde voudrait en avoir été, soit une tragédie et chacun s'en lave les mains. Ce serait dommage pour nous que nous ne soyons que quelques générations à constater que notre histoire aura été l'histoire de nos petits comptes ! M. H. [email protected]