Seulement un tiers des députés ont assisté au début des débats sur le projet de loi de finances 2015. Que les "élus" du peuple ne trouvent pas d'intérêt à se mêler du budget de l'Etat est tout simplement scandaleux. Mais, à y regarder de plus près, l'on se dit qu'il est déjà étonnant qu'ils soient si nombreux à venir écouter les ministres remplir la formalité de motiver, devant "la représentation nationale", les choix budgétaires du gouvernement. Car, lorsqu'on les croise dans les restaurants du quartier des Assemblées, l'on comprend aisément à leur dégaine que les questions de déficit, de disponibilités de ressources, d'équilibres des comptes, de "soutenabilité" des dépenses, etc. ne constituent pas le genre d'affaires enclines à les tourmenter. Ce qui "tombe bien", pour le gouvernement : lui, non plus, n'aime pas s'éterniser à expliquer ses arbitrages et les arrière-pensées qui y président. Il veut juste pouvoir délivrer les formules toutes faites qui tiennent lieu d'argumentaire et s'offrir le quitus formel d'une adoption parlementaire du budget. Et, auparavant, la commission des finances, qu'il s'est préalablement choisie, se sera chargée de filtrer les éventuelles propositions d'amendements et le président de l'Assemblée d'encadrer les possibles interventions. Parce qu'il peut arriver que les députés imposent quelques amendements, quand la question est vitale. Ce fut le cas, il n'y a pas longtemps, pour la prohibition de l'importation de la fripe. Et c'est le cas, cette année, pour l'ouverture des frontières du Sud et Sud-Est... Mais l'on peut en même temps comprendre que nos "élus" refusent de s'investir dans l'art de l'autopsie des finances publiques. Ils jugent peut-être vain de s'y perdre inutilement. Ils observent, comme nous tous, que les décisions de dépense ne sont nullement infléchies par quelque contrainte budgétaire. Quand le Premier ministre a jugé urgent de satisfaire l'exigence d'augmentation des salaires et des indemnités des policiers — et d'anticiper sur les demandes subséquentes des pompiers et douaniers , il n'a pas attendu de vérifier si les prévisions budgétaires autorisaient la rallonge ! En vingt-quatre heures, la question était expédiée ! Quand médecins et enseignants auront attendu des années leurs "clopinettes" ! Quand, pour des besoins électoraux, il faisait le tour des wilayas pour y déposer des enveloppes additionnelles, le Premier ministre avait-t-il pris la précaution de leur inscription préalable au budget ? L'on a même assisté à des effacements inopinés de dettes intérieures et extérieures ! À quoi sert le fonds de péréquation si ce n'est à s'autoriser n'importe quel niveau de déficit budgétaire ? Et plus exactement à se libérer de la seule vertu du budget : sa nature contraignante ? À cela, faudrait-il ajouter les différents comptes spéciaux pour s'apercevoir que l'Algérie élabore des budgets pour ne pas les respecter. La bonne santé financière qui prévalait jusqu'ici a été utilisée pour l'entretien de la clientèle politique et le financement de la paix sociale et civile. Mais elle a aussi servi à se départir de toute rigueur dans la gestion de la dépense. Peut-être qu'avec la conjoncture moins clémente qui s'annonce, l'Algérie va-t-elle apprendre à compter avant de dépenser ?... Et peut-être même à investir. M. H. [email protected]