Deux spectaculaires moments de terrorisme ont secoué la Tunisie et l'Egypte. Avec des procédés de mobilisation et des modes opératoires différents, le terrorisme a frappé au Canada et aux Etats-Unis. Désormais, le monde musulman est intégralement confronté au terrorisme. Et le monde entier est exposé à sa menace. La réponse des Etats musulmans à son agression dépend de la résolution, des moyens et des stratégies politiques du pouvoir de chacun d'entre eux. Certains, comme le Nigeria, pays "à moitié" musulman, semblent refuser le combat et fuient carrément la confrontation. Mais aucun, pas même parmi les pays occidentaux, ne renvoie le terrorisme en question à son fondement idéologique : l'islamisme. Leurs "loups solitaires" ont beau se convertir, puis se "radicaliser", avant de s'envoler au pays du djihad ou de passer localement à l'acte, leur réaction se limite à questionner les méthodes d'embrigadement à distance utilisées par les centres de recrutement d'apprentis terroristes. Or, si certains terroristes en herbe se font, peut-être, piéger sur "la Toile" numérique, telles des proies d'araignée, il est fort probable que leur kidnapping idéologique soit facilité par un contexte politique local. Un contexte politique qui relativise la fonction d'endoctrinement belliqueux de l'islamisme. De tout islamisme. Car pour fuir le "face-à-face", la plupart des pouvoirs politiques en Occident s'inventent des théories autour d'une supposée coexistence entre islamisme et civisme. Ici, on se drape de "cadre républicain" ; là, on se réfugie dans des "accommodements raisonnables" ; partout, on croit neutraliser l'islamisme en l'affublant d'épithètes supposées le désarmer. En témoigne le succès de la formule "islamisme modéré". Politiques et politologues s'immergent alors dans le marécage du raffinement doctrinal, où foisonnent des milliers de partis, de mouvements, d'associations, de chapelles, etc. qui, eux, coexistent, souvent pacifiquement, et partagent le même fond idéologique et stratégique de la violence au service de l'hégémonie idéologique. Dans les pays musulmans, les pouvoirs, souvent illégitimes et eux-mêmes brutaux, développent la réaction tactique consistant à entrer en concurrence avec les mouvements islamistes pour s'approprier la légitimité religieuse ou dans le but de susciter leur alliance politique. Cette démarche les contraint à dédouaner, eux-mêmes, l'islamisme de sa responsabilité dans le terrorisme. Aujourd'hui, et malgré l'offensive généralisée du terrorisme dans le monde dit "arabe", l'Egypte est le seul Etat à imputer explicitement l'action terroriste à ceux qui, dans son pays, la suscitent et l'encadrent idéologiquement, politiquement et matériellement : les Frères musulmans et le Hamas. Partout ailleurs, en particulier là où les islamistes concourent au pouvoir par la voie des urnes, l'islamisme est innocenté d'une pratique qui se justifie par... l'islamisme. Tant que l'on ne reconnaîtra pas le lien entre terrorisme et islamisme, tant qu'on diluera ce lien dans une différenciation d'islamismes censés être plus modérés ou plus radicaux les uns que les autres, la matrice idéologique continuera à être féconde de violences. Et la guerre interminable aux effets dévastateurs ne sera que le prix à payer pour la fuite en avant devant la cause. M. H. [email protected]