Un véritable coup de massue. Le désarroi est perceptible dans les regards inquiets des travailleurs du journal. Abattement et inquiétude. Voilà les deux sentiments dominants chez le collectif du Matin, hier, après l'annonce du verdict contre leur directeur, Mohamed Benchicou, condamné à 2 ans de prison ferme. Un véritable coup de massue. Ambiance pénible et penaude hier, dans la rédaction. Le désarroi est perceptible dans les regards inquiets des travailleurs du journal. La mine défaite et les yeux larmoyants de la standardiste sont, à coup sûr, l'expression la plus vivace du profond abattement dans lequel est jeté le collectif. “On ne s'attendait pas à ça. Demain, ils peuvent venir nous fermer les rideaux”, s'inquiète-t-elle. Très affectés, certains journalistes se sont refusés à toute déclaration. “On l'a reçu comme une injustice”, lâche sobrement Ghania Khelifi, directrice de rédaction, affairée à rédiger avec Rachid Mokhtari, rédacteur en chef, le communiqué qu'ils s'apprêtaient à rendre public en début de soirée. Sur ces entrefaites, arrive le journaliste Nadir Bensbaâ, présent au tribunal d'El-Harrach, pour remettre une lettre de soutien de Ali Yahia Abdenour, président de la LADDH. Un petit baume au cœur d'un collectif sonné. Quoique durement affecté, l'autre rédacteur en chef, Youcef Rezzoug, s'efforce de rester serein. “C'est ignoble. Aucune règle n'est respectée. Ce pouvoir maffieux assumera ses responsabilités. Le système est impliqué dans son ensemble. Certainement qu'ils s'attendrontt à ce que Le Matin change de position avec un tel verdict. Qu'ils soient rassurés, nous sommes plus que déterminés à poursuivre notre travail avec professionnalisme et sans complaisance. Que le monde sache aujourd'hui qu'un journaliste est condamné à la prison pour ses écrits et le fait de défendre la vérité. Nous assumons les écrits de Benchicou. Ce qu'il faut savoir c'est que ce verdict est un message clair adressé à la corporation”, peste-t-il. Alors que la journaliste, Abla Chérif, considère le procès de “préfabriqué”, son collègue Bensbaâ, chargé de couvrir le procès, qualifie le verdict de “honteux”. “ça participe d'un acharnement pour faire taire les journalistes. Ceux qui ont suivi de près la cabale juridico-politique orchestrée par Zerhouni savent que ce procès est le couronnement d'une machination décidée par des cercles maffieux pour assurer leur mainmise sur l'économie nationale tout en muselant toute voix discordante qui ose dévoiler leurs malversations. C'est le verdict de la honte. Les journalistes présents au procès se sont tous accordés à dire qu'il s'agit d'un procès politique préparé et dicté par les cercles concernés”, a-t-il ajouté. Mais la sombre nouvelle n'empêche en rien la détermination du collectif à confectionner l'édition du jour. Dans le couloir, les amis sont là pour exprimer leur solidarité. Des avocats, des délégués du mouvement citoyen ainsi que des confrères serrent les mains et prodiguent des mots de réconfort. À 19 heures, les avocats du directeur font leur irruption en compagnie de Rabah Abdellah, secrétaire général du SNJ, et de Nacer Belhadjoudja, directeur de la rédaction du Soir d'Algérie. Pour beaucoup, la condamnation de Mohamed Benchicou n'est que la suite logique de l'affaire Hafnaoui Ghoul, journaliste et militant des droits de l'Homme, incarcéré à Djelfa. “C'était prévisible. Ils sont en train de se venger de Mohamed Benchicou... Où est la classe politique ?”, fulmine un avocat. “C'est une décision très dure et que nous n'acceptons pas. On va faire appel dès demain. C'est une décision que personne n'attendait. Elle ne repose sur aucun fondement juridique. Nous sommes très étonnés par la condamnation de Mohamed Benchicou”, dénonce Me Mellal. Son confrère, Me Khaled Bergheul, suppute sur la mobilisation de la corporation, la société civile et l'opinion internationale. Hier, dans la soirée, le collectif continuait à préparer l'édition du jour. En dépit de l'abattement. A. C. Communiqué du Matin à l'opinion nationale et internationale “Tout pour libérer benchicou” Le directeur du Matin, Mohammed Benchicou, est depuis hier, incarcéré à la prison d'EI-Harrach. Il a été condamné à deux ans de prison ferme assortis d'un mandat de dépôt lors d'un procès où ni le procureur, ni la partie civile, ni même le juge n'ont pu prouver sa “prétendue culpabilité”. Ce procès, par son iniquité et ses contradictions, a révélé les arrière-pensées politiques et la volonté du pouvoir de briser Le Matin et de donner une mise en garde à la presse indépendante. La menace de Zerhouni de faire payer Benchicou a connu par ce verdict sa pleine manifestation. Le collectif du Matin reste mobilisé et entreprendra toutes les actions pour faire libérer Mohamed Benchicou. Nous prenons à témoin l'opinion nationale et internationale contre cette grave atteinte à la liberté d'expression et contre la décision arbitraire et scandaleuse qui vient de frapper le directeur du Matin. Le Matin