Les ayatollahs ne démordent pas : ils tiennent à leur bombe atomique. Téhéran, que Berlin, Paris et Londres voulaient dissuader, contre une ouverture plus large sur la scène mondiale, vient de faire savoir la reprise de son programme d'enrichissement d'uranium, insistant sur son utilisation à des fins strictement civiles. Washington, pour qui, parvenir à ce stade, c'est franchir le pas vers l'uranium militaire, menace de représailles et n'attend plus qu'un rapport de l'Aiea. Pour le sous-secrétaire d'Etat américain chargé du contrôle des armements et de la sécurité internationale, l'initiative iranienne est une véritable déclaration de guerre. Les ministres des AE, allemand, français et britannique ainsi qu'El-Baradeï, le directeur de l'Aiea a découvert, au moins à trois reprises, des traces d'uranium hautement enrichi en Iran, confortant la suspicion que le programme nucléaire civil de la République islamique pourrait couvrir un plan de construction de la bombe atomique. Les ayatollahs, fragilisés par les luttes menées par les réformateurs avant les élections législatives, devaient céder devant la pression internationale et accepter en octobre 2003 de suspendre leurs activités d'enrichissement de l'uranium. Cependant, les inspecteurs de l'Aiea ont constaté que Téhéran continuait son programme. En réalité, les Iraniens voulaient gagner du temps, espérant que la troïka européenne, montée contre Bush, avant et juste après l'invasion de l'Irak, allait contrecarrer les menées américaines à l'Aiea et empêcher une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU. Le dossier iranien devait même être fermé à l'issue de la réunion de juin de l'Aiea. Or, entre temps, l'Europe s'est rapprochée de Washington en avalisant le plan de Bush devant instaurer l'Irak post-Saddam. Non seulement, l'affaire iranienne reste à l'ordre du jour de l'agence de sûreté nucléaire de l'ONU et ce sont ces trois pays européens chargés de dialoguer avec les ayatollahs qui ont présenté la résolution très critique de l'Aiea. Ce texte réclame de l'Iran plus de coopération qu'il n'en a montré jusqu'alors pour conclure qu'il ne met pas secrètement au point l'arme atomique. Pour les ayatollahs, les Européens n'ont pas respecté leurs engagements et eux-mêmes ne sont donc plus tenus par les leurs. Le durcissement de Téhéran est intervenu dès lors que les réformateurs ont été balayés de la scène politique par des législatives arrachées par les conservateurs fidèles aux ayatollahs. L'ancien président iranien Rafsandjani (1986-1997), patron du conseil de discernement, qui veille au respect du dogme légué par Khomeïniy, est d'ores et déjà donné comme successeur de Khatami, un réformateur porté par une puissante vague populaire mais qui n'a rien pu faire, pas même sauver les siens. Les élections auront lieu en 2005. Les ayatollahs savent aussi ménager les Américains. Ils n'ont pas essayé d'interférer dans la crise irakienne, du moins, de façon manifeste, alors qu'ils avaient la possibilité de le faire, via les chiites. Et, aujourd'hui, ils se déclarent prêts à introduire un chef d'accusation (génocide) contre Saddam Hussein, dont le procès ouvert à Bagdad va certainement connaître de multiples rebondissements. D. B.