La Russie a finalement franchi le Rubicon en mettant à exécution sa décision de fermer tous les camps de réfugiés tchétchènes en république russe d'Ingouchie, voisine de la Tchétchénie. Une décision qui risque d'entraîner la “déportation” de milliers de personnes vers leur république d'origine. Les inquiétudes du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU qui a appelé, fin novembre, la Russie à repousser la fermeture d'un camp en Ingouchie jusqu'à ce que des conditions d'existence décentes soient apportées aux personnes déplacées, n'ont pas trouvé d'oreille attentive au Kremlin. Et pour cause, la majorité des réfugiés tchétchènes de ce camp a été évacuée manu militari le 2 décembre par la police. Cette opération s'est déroulée dans un total “huis clos” puisque la police avait ordre de ne laisser personne entrer dans ce camp, en particulier, les journalistes et les organisations humanitaires. Les Russes n'ont pas laissé beaucoup de choix aux réfugiés tchétchènes : ils leur ont proposé soit de rentrer à Grozny (capitale tchétchène) soit d'aller habiter chez des particuliers en Ingouchie, moyennant le paiement d'un loyer. Mais aucune de ces solutions ne les arrange. Les réfugiés ont peur de subir les exactions de l'armée russe et de vivre dans le dénuement le plus total, une fois revenus en Tchétchénie où se poursuivent des accrochages entre les troupes russes et les rebelles. Ils n'ont pas également les moyens de rester en Ingouchie dans la mesure où les responsables de l'immigration ne prennent aucune mesure pour leur installation. Pourtant, la Russie avait donné des assurances aux Etats-Unis, fin novembre, afin que les réfugiés de ce camp ne soient pas contraints à retourner dans leur République et qu'ils puissent rentrer sur une base volontaire. Une attitude qui frise le cynisme et la provocation puisque les Russes savent mieux que quiconque qu'il n' y a pas un seul réfugié qui veuille retourner chez lui, surtout pas, volontairement. D'où cette question qui coule de source : que cache en réalité ce double jeu de Moscou ? En tout cas, le retour des réfugiés dans leur République s'apparente parfaitement à un gage que Moscou veut exhiber au monde entier pour conforter sa thèse selon laquelle la situation se normalise en Tchétchénie et qu'il est même possible d'y organiser des élections l'an prochain. À moins qu'à travers cette attitude provocatrice, la Russie n'ait obéi à d'autres desseins inavoués. A. C.