Liberté : Le président Bouteflika a lancé, en février 2001, à partir de la wilaya de Batna, le concept de concorde nationale sans pour autant lui donner de contenu. Beaucoup de politiques et d'organisations sociales avaient assimilé ce concept à cette époque-là à une amnistie en faveur des terroristes, alors qu'aujourd'hui, le gouvernement donne à la concorde nationale un contenu plutôt généraliste. En tant qu'association de familles de victimes du terrorisme, quelle signification donnez-vous à ce concept ? Chérifa Kheddar : Pour nous, tout ce qui vise à éliminer ou à effacer de la mémoire des Algériens la décennie rouge avec ses milliers d'assassinats, de massacres, d'attentats à la bombe et d'atteinte à la dignité, nous ne pouvons l'accepter. Donc, nous ne pouvons soutenir une quelconque politique d'amnésie. Ce que nous soutiendrons, et c'est d'ailleurs ce que nous revendiquons quotidiennement, c'est l'arrestation, le jugement et la condamnation de tous les terroristes aussi bien les commanditaires que les exécutants. C'est sur la base du devoir de justice que nous pouvons responsabiliser ceux qui ont été derrière le deuil de dizaines de milliers de familles algériennes. La concorde nationale, que nous soutiendrons, c'est celle de la politique d'une école citoyenne, de la liberté d'expression, du pluralisme et de la démocratie effective. Autrement dit, une politique qui viserait à faire reconnaître par la société le sacrifice des victimes du terrorisme islamiste par la promulgation du statut de la victime et la promulgation des décrets exécutifs de la loi de finances 2004, votée par les parlementaires et dans laquelle une pension est octroyée à ces familles victimes du terrorisme. Dans le cas où le président de la République viendrait à donner au concept de concorde nationale un contenu qui viserait à amnistier les terroristes et donc à les dédouaner de leurs crimes, quelle serait votre réaction ? La réponse à cette question est très claire. L'impunité est catégoriquement rejetée sous toutes ses formes et par toutes les victimes du terrorisme. Aucun proche de victime du terrorisme ou victime directe n'acceptera l'impunité. Aussi, il est hors de question d'accepter ni le pardon gratuit ni l'impunité accordée aux criminels. Quelle est votre revendication à ce propos ? Notre revendication est claire : tous ceux qui ont endeuillé les familles algériennes doivent répondre de leurs actes devant la justice. Cela dans un double objectif : le premier est celui de rétablir le devoir de dignité à l'égard de ceux qui se sont élevés contre le terrorisme en défendant par les armes (les groupes de légitime défense, les patriotes et les gardes communaux et les membres des services de sécurité tous corps confondus) les principes de la République moderne, citoyenne et démocratique et en protégeant leurs familles, leurs villages et leur honneur des terroristes. Le second objectif est de rétablir le devoir de mémoire envers tous ceux qui ont été fauchés par les hordes terroristes. En revanche, nous ne pouvons, à cet égard, contester au président de la République d'user de ses prérogatives constitutionnelles en décrétant la grâce. Cependant, toute grâce doit impérativement intervenir après le jugement et la condamnation des terroristes. N. M.