À Tamanrasset, les clignotants sont au rouge quant à la propagation du sida. La population locale vit une véritable panique à cause des innombrables risques de contamination. “Nous devenons pratiquement paranoïaques”, témoigne une sage-femme exerçant à l'hôpital de l'agglomération. “La population sidéenne est tellement importante dans cette ville que nous doutons de tout et de rien”. Elle évoque le cas d'une coiffeuse qui a mis la clé sous le paillasson car elle a, à son insu, coiffé une séropositive. “Aucune de ses clientes n'a voulu revenir chez elle, bien qu'elle ait pris le soin de jeter l'ensemble du matériel qu'elle utilisait jusqu'alors et changé de local. Rares sont aussi les femmes qui s'aventurent au hammam”. Intarissable sur le sujet, notre interlocutrice, qui nous a reçus chez elle, nous détaille les précautions drastiques prises dans le traitement des patients, dans le centre sanitaire où elle travaille. “Même pour une simple consultation, nous effectuons systématiquement des analyses pour détecter les maladies vénériennes”. Toute honte bue, elle reconnaît qu'elle refuse catégoriquement d'assister des parturientes originaires de l'Afrique sub-saharienne. À tort ou à raison, les immigrés sont soupçonnés d'être porteurs potentiels du virus HIV. Ils sont même accusés d'avoir ramené “l'avilissante” maladie à Tamanrasset, en constituant les premiers noyaux de la prostitution. Le plus vieux métier du monde est, certes, pratiqué ici à grande échelle. Les responsables de la police judiciaire de la wilaya se targuent d'avoir réussi à “nettoyer” les secteurs de prostitution les plus connus, dont le fameux quartier appelé Château à cause de l'existence d'un imposant édifice, aujourd'hui en ruine. “Nous connaissons les quartiers où la prostitution bat son plein. Nous envoyons des agents, sous de fausses identités, pour repérer les maisons closes. Nous opérons par la suite des descentes, à des endroits précis où nous pouvons constater le flagrant délit”, indique un officier. Il ajoute que ses éléments sont parvenus, en 2003, à arrêter 131 personnes, dont 62 étrangers. À la fin du premier semestre de l'année en cours, une soixantaine de prostituées et de proxénètes ont été mis en prison. La justice a ordonné l'expulsion de dix étrangers appartenant au réseau. “Nous multiplions les efforts pour endiguer le phénomène”, assure notre interlocuteur. Des citoyens de Tamanrasset démentent une quelconque diminution de la pratique de la prostitution en ville. “ça ne cessera jamais. D'autant que le problème ne concerne pas seulement les immigrés mais aussi des Algériennes”, nous dit-on. Des femmes, généralement répudiées, ont fui les régions subissant les exactions terroristes ou un environnement social hostile aux femmes vivant seules avec des enfants. Arrivées à Tamanrasset, elles se retrouvent devant le choix difficile de mendier ou de vendre leur corps. D'autant que dans cette ville abritant de nombreux sites militaires regorge de célibataires coupés de leur famille. Il y a quelques années, les responsables de l'ANP ont sensibilisé leurs troupes sur la nécessité d'utiliser, en toute circonstance, des préservatifs. Dans quelques lieux contrôlés de la prostitution, c'est carrément les services sanitaires et de sécurité qui distribuent aux femmes des préservatifs. Des précautions insuffisantes, puisque la maladie du siècle étend ses tentacules aux franges les plus protégées de la population de Tamanrasset. S. H.