Malaoui revient sur le rapport du BIT et affirme que depuis 1993 aucun syndicat autonome n'a été reçu par un chef de gouvernement. Liberté : Qu'est-ce qui a changé entre les deux rapports ? • M. Malaoui : Après la première plainte que nous avons déposée auprès du BIT, le gouvernement a tenté de gagner du temps avant d'apporter ses réponses. Entre-temps, ils ont accentué les pressions sur nous pour tenter de nous faire reculer. Nos délégués et nos adhérents ont subi des pressions et intimidations partout où nous avions une présence importante. Des campagnes médiatiques ont été orchestrées, notamment à Oran, en s'attaquant à ma personne et à ma famille… C'est à Oran, là où je vis, que la pression a été la plus forte. Au siège de la wilaya d'Oran, huit de nos syndicalistes ont été suspendus, mis en prison et condamnés par la justice pour avoir fait grève ! Mais, finalement, le gouvernement a répondu au premier rapport du BIT... • Oui, après 5 mois ! Ses réponses en plus sont la preuve que nous avions raison, puisqu'il reconnaît que plusieurs syndicalistes du secteur de la santé ont été réintégrés et leurs arriérés de salaires payés ! Mais pour ce qui est du cas des syndicalistes d'Oran, rien n‘a été fait depuis 9 mois. Le gouvernement et le ministère concerné (ministère de l'Intérieur, NDLR) n'ont trouvé aucune excuse, pas la moindre justification à ces dépassements et il n'y a aucune réponse. Les syndicalistes sont toujours suspendus et sans salaire. Pour ce qui est du “refus de négociation” qui vous oppose au gouvernement, celui-ci parle partout d'une rencontre et d'un PV que vous auriez signé. Qu'en est-il exactement ? • C'est un mensonge ! Ce fameux PV que nous aurions signé est un faux ! Il s'agit en fait d'une rencontre qui a eu lieu entre les syndicats autonomes et un représentant du ministère du Travail. La seule chose qui a été signée ce jour-là, c'est une liste de présence des syndicats autonomes. De plus, cette rencontre s'est faite parce que nous avions observé un sit-in devant le ministère du Travail. J'ai l'intention de demander au BIT, lors de mon déplacement à Genève, de me transmettre ce soi-disant PV. Aujourd'hui, je maintiens, comme nous l'avions expliqué dans nos plaintes auprès du BIT, que depuis 1993 aucun syndicat autonome n'a été reçu par aucun chef de gouvernement. J'irai même plus loin, en précisant qu'en dépit des graves cas d'entrave, de violation des lois que nous avions signalés jusqu'en date du 26 octobre 2002, le ministère du Travail est resté totalement silencieux. C'est d'autant plus grave que le ministre du Travail est un ancien responsable d'un syndicat autonome. Dans le rapport préliminaire, il est dit que le gouvernement algérien sollicite l'appui “technique du BIT” pour la mise en œuvre de nouveaux textes sur les libertés syndicales et le droit de grève. Qu'en pensez-vous ? • C'est une autre fuite en avant. D'abord, le gouvernement met 5 mois pour répondre au BIT, ensuite il annonce qu'il veut modifier la loi n°90-14. En fait, le problème ne vient pas de cette loi mais de l'interprétation qu'en fait le ministère. Une interprétation dont la finalité est de bloquer les syndicats autonomes. D'ailleurs, le BIT dans sa recommandation le souligne lorsqu'il aborde la question de la création de la Confédération des syndicats autonomes. Il est dit clairement que la loi 90-14 “ne pose pas de problème pour les libertés syndicales” mais que le problème vient de “l'interprétation qu'en fait le gouvernement”. C'est une interprétation purement politique destinée à bloquer les syndicats autonomes. Cela se passe toujours ainsi dans notre pays. Donc un rapport que vous jugez sévère et critique pour le gouvernement… • Exactement, car finalement sur ce point de l'interprétation des lois, le BIT ne dit pas autre chose que ce que répétent les syndicats autonomes depuis des années. En plus, solliciter l'aide du BIT, cela veut dire que les cadres du ministère sont incapables de préparer des lois en conformité avec les conventions internationales qu'a ratifiées l'Algérie. Et pour ce qui est de la représentativité, argument souvent utilisé par les autorités… • Le gouvernement parle de représentativité nationale, sans tenir compte du secteur d'activité des syndicats. Et plus est le pouvoir est à la fois juge et partie. Il n'existe pas d'organe indépendant apte à juger de la représentativité de chaque syndicat. Pour nous, au Snapap, le gouvernement a expliqué au BIT que nous n'avions pas déposé les documents et les pièces prouvant notre représentativité. C'est encore un mensonge. Nous avons le récépissé du ministère du Travail qui prouve que nous avons bien déposé ces documents. Et plus est la loi précise que si le dossier est incomplet, le ministère a un mois pour saisir par écrit le syndicat et lui demander des compléments. Dans notre cas, cela n'a jamais été fait. Je voudrais noter ici avec ironie que l'UGTA a déclaré récemment que c'était la première fois qu'elle déposait les éléments prouvant sa représentativité. Plus grave, l'UGTA ne s'est toujours pas conformée à la loi 90-14 (exercice du droit syndical, NDLR). Une preuve de plus de l'interprétation politique qui en est faite. F. B.