Les différentes associations prévoient d'organiser une marche de protestation à Alger en septembre. “Qu'ils nous donnent leurs enfants (les pouvoirs publics, ndlr), nous leur donnerons 100 millions. Ils sauront ce que c'est !” a lancé Mme Benicherf, sarcastique. La vice-présidente de SOS disparus était hier l'une des animatrices de la conférence de presse organisée au siège de l'association, pour protester contre la campagne d'indemnisation initiée par la commission Ksentini. Devant une nombreuse assistance, largement constituée de parents de disparus, l'intervenante a fustigé la démarche des pouvoirs publics, considérant que le dédommagement proposé est synonyme de renoncement. “Nous ne voulons pas de leur argent”, s'est écriée Mme Benicherf. Le fourvoiement de la Commission nationale des droits de l'Homme (Cncdpdh) dans des considérations purement pécuniaires est qualifié d'insulte. “On nous a d'abord proposé 140 millions, 500 puis 700. Nos enfants sont mis à la vente aux enchères”, s'est insurgée la vice-présidente de SOS disparus. Selon elle, quelque 200 familles sont convoquées quotidiennement au siège de l'ex-ONDH. “Ksentini dit qu'il ne fait pas d'enquête alors qu'il n'a pas hésité à auditionner des repentis sur l'existence de charniers. Nous avons aussi des preuves que des policiers ont procédé à l'arrestation de nos enfants. Nous connaissons leur nom. Des témoins étaient là lors des interpellations. Souvent, ils ont partagé leur cellule avant d'être relâchés”, soutient Mme Benicherf. Des témoignages troublants de mères présentes dans la salle confirment cette version des faits. L'une raconte que son fils âgé de quinze ans — au moment de son arrestation en 1994 —, a été transféré dans un centre de détention à Biskra. L'autre affirme avoir des nouvelles récentes de son fils détenu à Châteauneuf… “Certains étaient effectivement des activistes islamistes. Mais qu'on les juge alors. Pourquoi les cachent-ils”, s'est interrogée Mme Ditour. La porte-parole du collectif des disparus décrit sa propre détresse et celle des autres mamans en des mots très durs. “Durant des années, nous avons fait le tour des commissariats, des casernes et des tribunaux. On nous a insultées et chassées”, dénonce-t-elle. Ses griefs vont au gouvernement qui a commencé par ouvrir des bureaux de plaintes au niveau des 48 wilayas en 1998 pour se contenter ensuite d'établir des constats de disparitions par l'entremise des tribunaux. “À Lakhdaria, une épouse ayant signé le procès-verbal s'est vu promettre une pension en contrepartie. La malheureuse attend toujours de percevoir son dû”, a souligné l'oratrice. Son leitmotiv largement relayé par l'assistance est sans équivoque. “Ils ont pris nos enfants vivants, ils doivent nous les rendre vivants”, clamait-on de toute part. En signe de solidarité, la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) a délégué l'un de ses représentants, Me Zehouane, à rencontrer les journalistes. Aux yeux de cet avocat, la campagne d'indemnisation des familles est immorale. “Il s'agit d'un coup de poignard dans la plaie. Cette tragédie ne peut pas être réglée par un appel à l'oubli”, a-t-il préconisé. Pour combattre la résignation, les associations comptent bien se mobiliser. Elles appellent les familles à une marche nationale à Alger en septembre. Elles entendent également arrimer à leur cause les instances internationales. S. L.