L'union africaine (UA) joue sa crédibilité dans le Darfour. Tandis qu'à Abuja, capitale du Nigeria, les diplomates africains tentent de démêler les écheveaux de cette question, qui a interpellé l'opinion mondiale et qui fait courir au pouvoir de Khartoum le risque de sanctions internationales, sur le terrain, dans le Darfour, frontalier du Tchad, les observateurs africains font face à d'énormes défis dans l'accomplissement de leur délicate mission de surveillance du cessez-le-feu. Le Darfour est déchiré par la guerre civile depuis février 2003. Les plaintes de belligérants et de la population civile pleuvent sur les observateurs de l'UA qui estiment beaucoup d'entre elles infondées ! Les fonctionnaires africains se cachent derrière le mandat d'observateurs, soulignant que leur mission est d'enquêter sur des plaintes “crédibles” à propos des violations du cessez-le-feu conclu le 8 avril à N'Djamena (Tchad) entre le gouvernement soudanais et les deux principaux groupes rebelles du Darfour, le JEM (Mouvement pour la justice et l'égalité) et SLM (Mouvement de libération du Soudan). Depuis son entrée en vigueur, la trêve est constamment violée. Chacune des deux parties se rejetant la responsabilité de la rupture. L'accord du cessez-le-feu avait ouvert la voie à l'installation de la mission africaine de surveillance, déployée depuis juin au Darfour. Le cahier de doléances des populations du Darfour est pourtant des plus chargés. Le pouvoir de Khartoum est accusé de prêter main-,0 forte aux Djinjawids, une tribu guerrière arabe particulièrement montée contre les darfouriens, qui ne le sont pas, même si certains d'entre eux sont musulmans. Les observateurs de l'UA se sont vu redire par les populations du Darfour toutes les horreurs dont ils sont victimes : assassinats, viols, enlèvements, pillages et incendies de maisons et de villages. “Certaines sont crédibles, d'autres pas”, déclarent les envoyés de l'UA dont les gouvernements ne veulent surtout pas fâcher un des leurs. L'UA a beau procéder à un lifting de son administration, elle reste encore un syndicat de chefs d'état. Il est tout de même vrai que les observateurs africains disposent de peu de moyens et pas de bons services de renseignements pour vérifier les plaintes. Mais, enfin, de là à pérorer sur ce que les Ong internationales considèrent comme un crime contre l'humanité ou tout au moins une situation de catastrophe humanitaire, c'est pousser le bouchon. Déterminer ce qui fait partie de son mandat et ce qui n'en fait pas partie est un exercice de politique politicienne, une fuite en avant. Avec cynisme, quelques observateurs vont jusqu'à vouloir induire que les plaintes des victimes relèveraient d'un simple commissariat de police, se cachant derrière leur mandat ! L'UA a par ailleurs délibérément évacué toute enquête sur les Djinjawids. Techniquement, les observateurs n'ont pas à enquêter sur les agissements des Djinjawids au motif que ces derniers ne sont pas mentionnés dans l'accord de N'Djaména sur le cessez-le-feu. Alors, il est à se demander sur quoi les observateurs africains enquêtent-ils et comment la cellule de crise installée à Addis- Abeba (éthiopie, siège de l'UA) va procéder pour faire son rapport. Le chef des observateurs reste vague sur le nombre de violations du cessez-le-feu enregistrées depuis son arrivée au Darfour, mais il souligne cependant que sa présence a eu un effet positif ! La défection ou le parti-pris de l'UA est heureusement compensé par l'ONU. Le Conseil de sécurité n'y va pas par quatre chemins : ce qui s'est passé au Darfour est inacceptable ! Khartoum est sommé d'arrêter le massacre. D. B.