Chacun veut faire de l'Algérie sa chasse gardée. Etant normalement attendu à Rabat, le secrétaire d'Etat adjoint américain chargé de l'Afrique du nord et du Moyen-Orient, William Burns, a préféré entamer son périple maghrébin par un séjour à Alger avant de rallier les capitales voisines. Changement fortuit de programme ou révision des priorités ? Au cours de la semaine écoulée, la presse marocaine s'est fait l'écho d'un report pur et simple de la visite de Burns. Pourtant, dans un communiqué rendu public au début du week-end, le département d'Etat confirmera le déplacement dans les délais annoncés de son représentant en Afrique du nord. Il était ainsi prévu qu'il passe par Rabat samedi et rejoigne Alger lundi. Or surprise, l'envoyé de la Maison-Blanche vient directement dans notre pays. Une fois sur place, ce dernier ne tarira pas d'éloges sur le caractère dense et fructueux de la coopération bilatérale. Il étalera, au cours d'une conférence de presse, le contenu d'un programme d'aide militaire inédit et d'un soutien économique renforcé. L'Algérie est devenue importante pour les Etats-Unis au point de succomber à ses désirs en matière de développement et de sécurité ? “C'est d'abord dans l'intérêt de l'Algérie, ensuite des Etats-Unis”, a souligné Burns. Et d'ajouter que notre pays est appelé, par ce biais, à devenir plus attractif pour les investisseurs étrangers. En effet, Ce ne sont pas les sociétés américaines qui se plaigneront de cette amélioration. Bien que nullement affectées par l'inconsistance du tissu économique actuel, les firmes activant dans le secteur des hydrocarbures en tireront également des dividendes. Mais au-delà de ce pragmatisme purement économique, la realpolitik a toujours imposé aux Etats-Unis des choix stratégiques. Il y a eu un 11 septembre, des attentats meurtriers qui les ont contraints à la reconfiguration de leur perception du monde et à la recherche de nouvelles alliances. La rive sud de la Méditerranée, longtemps désignée comme une chasse gardée française, intéresse les américains. Ils y trouvent des alliés objectifs à leur campagne de lutte contre le terrorisme et veulent les inclure dans une stratégie durable dans le cadre de l'Alliance Nord atlantique. Cependant, même si cette nouvelle politique de rassemblement vise l'objectif primordial de la sécurité planétaire, elle n'est pas tout à fait du goût de l'ancienne puissance coloniale. La France, ainsi menacée dans sa zone d'influence, n'entend pas se laisser faire. À l'adresse d'Alger qu'elle a pourtant maintenu en quarantaine durant une décennie, Paris multiplie les signes de rapprochement. Chassé-croisé diplomatique intense, promesses d'investissement… À l'évidence, les relations entre les deux pays tendent à la normalisation. Néanmoins dans les faits, les gestes sont longs, hésitants et imprécis. Air France refuse toujours de renouer avec le ciel algérien, le patronat tergiverse… Face au forcing américain, les appels du pied de l'Elysée et de Matignon sont sans assurance. C'est avec le Maroc dont elle soutient implicitement la politique au Sahara occidental que la France s'engage avec force. D'ailleurs, lors d'un séjour qu'il a effectué tout récemment à Rabat, le président Chirac a bien mis en évidence les relations privilégiées entre les deux pays. Il a, à cet égard, révélé la discussion avec son homologue d'un pacte stratégique spécifique. Une manière pour lui de contourner la difficulté algérienne et tenter de contrer un tant soit peu les velléités d'hégémonisme américain. S. L.