Au cours des prochains mois, les députés auront à examiner pas moins de 18 projets de loi. La session d'automne 2004 de l'Assemblée populaire nationale (APN), ouverte officiellement hier, s'annonce chargée. Les députés auront à examiner et à débattre de pas moins de 18 projets de textes “d'ores et déjà inscrits” au programme de travail de l'APN en attendant le traditionnel projet de loi de finances pour 2005. Sur le plan économique, trois importants textes sont au menu de cette cession. Ammar Saïdani, le président de l'Assemblée, a évoqué notamment le projet de loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, le texte sur le placement des travailleurs et le contrôle de l'emploi. Blanchiment d'argent et financement du terrorisme Le texte s'articule autour de cinq axes : dispositions générales de la prévention du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme, de la détection, de la coopération internationale et enfin des dispositions pénales. Le projet de loi, argumentent ses rédacteurs, tend “à crédibiliser le chèque qui sera désormais obligatoire en tant que moyen de paiement dans les limites fixées par voie réglementaire, sous peine d'une amende de 50 000 dinars à 1 000 000 de dinars”. L'article 6 du texte stipule que “tout paiement d'un montant supérieur à un seuil fixé par voie réglementaire doit être effectué par les moyens de paiement à travers les circuits bancaire et financier”. Du coup, le texte soumet les banques et les institutions financières à l'obligation de s'assurer de l'identité et de l'adresse de leurs clients avant d'ouvrir un compte ou d'effectuer une opération de dépôt de titres ou valeurs ou bien d'établir toute relation d'affaires. Le projet de loi précise les modalités de vérification de l'identité du client qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale ainsi que les documents exigés à cet effet. Le texte met à la charge des banques et des institutions financières l'obligation de se renseigner “par tout moyen de droit” sur l'origine et la destination des fonds et sur l'identité du véritable donneur d'ordre dans le cas où il n'est pas certain que le client agit pour son propre compte (article 9). Lorsqu'une opération est effectuée dans des conditions de complexité inhabituelles ou injustifiées, ou paraît ne pas avoir de justification économique, la banque, l'établissement financier ou l'institution financière apparentée est tenu de se renseigner sur l'origine et la destination des fonds, sur l'objet de l'opération et l'identité des intervenants économiques (art 10), un rapport confidentiel est établi. Le projet de loi confère dans son article 15 à un organisme indépendant et spécialisé, des missions en vue de recevoir, d'analyser et de traiter les déclarations de soupçons relatives aux opérations bancaires ou financières suspectées d'être destinées au blanchiment d'argent ou au financement du terrorisme. Le texte détermine les personnes physiques et morales assujetties à la déclaration de soupçons sur les opérations commerciales suspectes. Il s'agit notamment des banques, des institutions financières, des professions libérales, des notaires, des commissaires priseurs, des experts-comptables, des commissaires aux comptes, etc... Toutes ces personnes morales et physiques sont tenues de déclarer à l'organe chargé du traitement financier, toute opération lorsqu'elle porte sur des fonds paraissant provenir d'un crime ou d'un délit ou semble être destinée au financement du terrorisme. Par ailleurs, le projet de loi dispose que le secret bancaire et le secret professionnel ne sont pas opposables à l'organe chargé du renseignement financier. Tout assujetti, qui s'abstient sciemment et en connaissance de cause d'établir ou de transmettre la déclaration de soupçon, est puni d'une amende de 50 000 dinars à 5 000 000 de dinars sans préjudices de peines plus graves et de tout autre sanction disciplinaire. Pour les dirigeants et les proposés de banques et établissements financiers qui ont enfreint de manière répétée les mesures de prévention du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme l'amende est de 50 000 dinars à 100 000 dinars. Les établissements financiers concernés sont punis d'une amende de 1 000 000 de dinars à 5 000 000 de dinars sans préjudice de peines plus graves. Nouvelles dispositions contre le phénomène des négriers L'Etat semble décidé à réhabiliter son autorité en matière de placement et de contrôle de l'emploi. “Le vide juridique existant en matière de réglementation du marché de travail, et notamment en matière du placement, l'insuffisante coordination entre les structures du secteur et les chevauchements de prérogatives ont généré une situation qui se traduit par certains dysfonctionnements dans la maîtrise et l'encadrement du marché de l'emploi, laissant ainsi la porte ouverte à toutes sortes de déviations, dont la plus intolérable concerne le marchandage de la main-d'œuvre, reconnaît le gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi relative au placement des travailleurs et au contrôle de l'emploi. Ce phénomène, note-t-il, a pris des proportions critiques particulièrement dans les zones du Sud. En vue de remédier “à cette situation qui risque de prendre des proportions importantes au niveau des régions qui connaissent d'importants investissements mais où paradoxalement le chômage s'aggrave”, il importe de réhabiliter l'autorité de l'Etat dans ce domaine, souligne-t-on, dans l'exposé des motifs. Du coup, le projet de loi en son article 15 interdit à toute personne physique ou morale, de droit public ou privé, n'ayant pas préalablement été agréée ou satisfaite des conditions exigées de procéder : aux opérations d'enregistrement, de sélection et de présentation de travailleurs à un organisme employeur en vue de leur placement ; aux actions de prospection, de recueil, de collecte et de diffusion des offres d'emploi. Tout demandeur d'emploi doit requérir son inscription auprès de l'agence de l'Etat habilitée, de la commune ou de l'organisme privé agréé par le ministre chargé de l'Emploi. Par ailleurs, tout employeur est tenu de notifier à l'agence habilitée, à la commune ou à l'organisme privé agréé, tout emploi vacant dans son entreprise et qu'il souhaite pourvoir (article 18). Tout contrevenant à l'article 18 relatif à la notification des offres est puni d'une amende de 10 000 à 30 000 dinars par poste d'emploi vacant non notifié. En cas de récidive, l'amende est portée au double. Le texte précise que les dispositions de la loi prendront effet une année à compter de la date de sa publication au Journal Officiel. M. R. Le code du commerce amendé - Le projet de loi modifiant et complétant l'ordonnance n°75-59 de septembre 1975 portant code de commerce, déposé au niveau de l'APN, s'inscrit, nous dit-on, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de la justice visant à adapter le dispositif législatif national aux exigences de l'économie de marché. Les dispositions proposées se fixent quatre objectifs : l'assouplissement du dispositif en matière de baux commerciaux, la mise en place d'un dispositif visant à lutter contre l'émission de chèques sans provision, la consécration de certains instruments et procédés de paiement. Concernant le bail commercial, la loi entend le replacer dans un contexte d'économie de marché en le soumettant à la liberté contractuelle. En consacrant le droit de renouvellement du bail et le droit à l'indemnité d'éviction, le code de commerce de 1975 a conféré au commerçant locataire un statut de privilégié par rapport à celui du bailleur. Du coup, les bailleurs, en un mot, ceux qui louent des locaux, pour se soustraire aux obligations qui leur incombent en cas de refus de renouvellement du bail, évitent, dans leur majorité, de conclure des contrats dépassant deux années consécutives, durée minimum exigée par l'article 172 du code de commerce pour prétendre à une indemnité d'éviction. Ce subterfuge usité par le bailleur est devenu, au fil des années, un frein au développement économique. Le projet de loi introduit la liberté contractuelle. Sauf stipulation contraire des parties, le preneur est tenu de quitter les lieux loués à l'échéance du terme fixé par le contrat sans signification de congé et sans prétendre à l'indemnisation d'éviction. Pour le chèque, le projet de loi vise le renforcement des dépositions relatives à l'émission de chèque sans provision en mettant à la charge des banques certaines obligations telles que la consultation de la centrale des impayés, avant la délivrance du premier chéquier, la déclaration à la centrale des impayés tout incident de paiement, relatif à l'absence ou à l'insuffisance de provision. Le texte a introduit certains réaménagements. Les artisans sont exclus de l'inscription au registre de commerce. La mission de vérification des registres relatifs au fonds de commerce est dévolue au président du tribunal aux lieu et place du procureur de la République. M. R.