L'impasse budgétaire européenne, mise en évidence au Sommet de Bruxelles, s'inscrit dans la crise majeure que connaît actuellement la construction européenne en posant la question de la nature et des objectifs de ce projet unique qu'est l'UE. C'est ce qu'ont reconnu les principaux protagonistes de l'affrontement, aux petites heures d'un autre 18 juin appelé à laisser une marque dans l'histoire européenne. “Je pressentais depuis longtemps que ce débat éclaterait un jour”, a lancé le président en exercice de l'UE, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, en opposant “ceux qui veulent le grand marché et rien d'autre” et “ceux qui veulent une Europe politique intégrée”. En clair, ceux qui veulent réduire les politiques communes financées par le budget communautaire et ceux qui veulent les maintenir ou les renforcer. Mais pour le Premier ministre britannique Tony Blair, désigné par M. Juncker comme le responsable de l'échec, le vrai problème n'est pas là. Il a lancé à Bruxelles un appel à un “débat fondamental sur l'Europe... pour l'adapter au monde nouveau dans lequel nous vivons”. En conditionnant une remise en cause du rabais britannique, motif immédiat de l'échec, à la remise à plat de la structure même de dépenses communautaires jugées trop tournées vers le passé, Tony Blair “n'a pas seulement réussi une jolie opération politique mais aussi une opération utile en lançant un débat de fond”, juge l'économiste Jean Pisani-Ferry, directeur de Bruegel, laboratoire d'idées bruxellois. C'est l'équation impossible de ces perspectives financières 2007/13 qui a nourri la crise, selon lui. La Commission européenne avait cherché une sortie par le haut avec une augmentation de l'enveloppe globale, portée à 1,24% du revenu national brut (RNB) de l'UE. Mais, souligne M. Pisani-Ferry, “on a sanctuarisé le passé”, avec l'accord d'octobre 2002 sur la préservation en volume de la dépense agricole, puis “on a imposé une forte contrainte budgétaire”, lorsque six pays contributeurs nets ont exigé un budget plafonné à 1% du RNB. Pour résoudre cette quadrature du cercle, M. Juncker a cherché une formule qui aboutissait à sacrifier largement l'avenir au passé, tout en cherchant des marges de manoeuvre du côté du rabais acquis en 1984 par le Royaume Uni sur sa contribution. Mais pour le spécialiste des finances communautaires, Jacques Le Cacheux, la refonte du financement de l'UE ne doit pas s'arrêter à une meilleure allocation des ressources.