Dans son discours prononcé, hier en fin de matinée, devant un hémicycle aux travées – inhabituellement — bien garnies, Mohammad Khatami a préféré taire les sept années (1993-2000) de brouille parfaite entre l'Algérie et l'Iran. Parce que, d'abord, il n'en porte pas la responsabilité — Ali-Akbar Rafsandjani étant, au moment de la rupture, chef d'un Etat accusé par Alger de financer et de soutenir politiquement le parti dissous, vainqueur du premier tour des élections législatives de décembre 1991. Parce que, ensuite, il projette le renouveau des relations dans un destin commun, entre deux nations “du monde musulman désirant montrer – à l'Occident — un visage autrement plus ouvert, plus cohérent et plus tolérant de l'islam”. Le président de l'Assemblée, Amar Saïdani, l'avait justement renforcé dans ses convictions lors de son allocution inaugurale : “Permettez-moi de puiser dans le gisement de vos idées pour vous emprunter une de vos réflexions à propos de la religion et des libertés : “Servir l'islam de manière sincère c'est reconnaître que la religion et les libertés sont indissociables.” Mohammad Khatami était d'autant plus à l'aise que le troisième personnage de l'Etat algérien a jugé utile d'exprimer un soutien ouvert à son invité d'honneur dans le conflit latent qui oppose son pays aux Etats-Unis concernant l'arme nucléaire. Le soutien n'est pas direct, mais il est franc : “… Nous réitérons notre rejet de la politique du deux poids deux mesures qui permet à Israël de se soustraire aux obligations édictées par la légalité internationale et la convention de non-prolifération des armes nucléaires.” Abdelkader Hadjar, ex-ambassadeur à Téhéran (actuellement au Caire) appuie : “Nous soutenons tous les pays arabes et musulmans qui développent l'énergie nucléaire à des fins civiles. L'objectif des Américains est de protéger Israël.” Le président iranien a apprécié, d'autant que Saïdani lui a fait don d'un burnous juste avant de lui céder la parole. Intellectuel reconnu, celui qui fut chef du Service de propagande de guerre (lors du conflit armé contre l'Irak, entre 1980 et 1988), ministre de la Culture et de l'Orientation religieuse (entre 1982 et 1989), et qui maîtrise l'arabe, l'anglais et l'allemand, a exprimé sa gratitude en prononçant l'ultime paragraphe de son discours dans la langue du Coran (le reste en persan bien sûr). Et le reste a été un avant-goût de sa conférence sur le “dialogue entre les civilisations”, donnée dans l'après-midi au Palais des nations, à Club-des-Pins. “Nous devons, a-t-il préconisé, donner une image humaine de la religion et une image tout aussi humaine et démocratique de la politique. Les menaces qui pèsent aujourd'hui sur l'islam font, en réalité, partie d'un ensemble de menaces qui pèsent sur toute la planète… Le dialogue entre le monde musulman et l'Occident est un impératif pour les deux civilisations car celles-ci ont, par nature, vocation à dialoguer.” “La démocratie, a ajouté Khatami, n'est pas le fruit d'une recette unique mais elle mène vers le même résultat, à savoir redonner toujours la souveraineté au peuple.” Il a fait l'éloge de la “démocratie théocratique qui régit la République islamique depuis 1979” d'une part, et la “voie démocratique qu'a choisie l'Algérie” depuis 1989, d'autre part, évoquant au passage Ibn Khaldoun et l'histoire du pays. Mohamed Seddik Benyahia évoqué Dans son allocution inaugurale, le président de l'APN, Amar Saïdani, n'a pas omis d'évoquer le nom de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Seddik Benyahia, mort le 3 mai 1982 à la frontière turco-irakienne dans un accident d'avion. Il était en mission de bons offices entre l'Iran et l'Irak, alors engagés dans une guerre qui durera huit ans. Bel hommage. L. B.