Mais ce qui reste du mouvement islamiste a de quoi alarmer sa… famille propre. Sur les cent membres que compte le conseil consultatif d'Ennahda, ils étaient à peine une trentaine à répondre physiquement présents à cette septième réunion de l'instance suprême entre les congrès, tenue, avant-hier jeudi, au siège national à Alger. Le gros des troupes a fait défection alors qu'une vingtaine d'éléments seulement a eu la correction de faire acte de présence à l'aide d'un subterfuge somme toute légal : la procuration. Qu'importe, “le quorum est atteint”, assure le toujours courtois Lakhdar Berkati, en charge de la communication. La réunion, qui coïncidait avec la fin du mandat d'une année assignée au bureau du mouvement islamiste, a été abritée par un siège désuet, situé dans une impasse qui voit des villas s'élever au son agressif des marteaux et des bétonnières. On comprend alors le statut dépéri et le grade pâmé hérités des catastrophiques résultats des élections locales de mai 2002. On le comprend mieux à la vue de l'espace de réunion, à la fois exigu et inconfortable, où prirent place les membres du conseil consultatif, où l'on reconnaît particulièrement la silhouette imposante d'un ancien ministre (chargé des Relations avec le Parlement), un certain Abdelouahab Derbal. Lui et d'autres ne pourront s'empêcher de convoquer les bons souvenirs de la “grandeur” oubliée quand Ennahda, présidée par le fougueux Abdallah Djaballah puis par Lahbib Adami, jouait encore dans la cour des grands. Ils se souviendront, aussi, de ce soutien fatal apporté à un candidat dit du “consensus” qu'ils se mettent désormais à critiquer. À présent que l'heure de la décadence a sonné, le ton est plutôt… morose. Certes dur et, résolument islamiste, mais forcément morose, contrairement à la beauté clémente de cette journée du jeudi. Faute de sonorisation, le président du conseil, Ali Hafdhallah, a dû se déployer à chaude gorge pour transmettre le message. Il a surtout insisté, dans son allocution inaugurale, sur les “dangers de la volonté d'amendement du code de la famille. Ils veulent le vider de ses bases et de son authenticité issues de la charia”. Il a évidemment appelé à faire barrage, “ces amendements, a-t-il soutenu, ne passeront pas”. Le secrétaire général, Yazid Benaïcha a, de son côté, parlé de “dossiers provocateurs”, citant le code de la famille, le système éducatif et l'octroi de pensions décidé par le gouvernement en faveur des mères célibataires ; “cela va à l'encontre de nos principes et de nos valeurs islamiques”, a-t-il commenté. De manière générale, les responsables d'Ennahda dénoncent ce qu'ils considèrent comme une affiliation inavouée de l'Algérie à la “mondialisation des valeurs, qui s'attaque directement à la famille, à l'école et aux lieux de culte”. “Nous ne sommes plus seulement une économie de marché mais aussi une société de marché”, a ironisé Benaïcha. Il a fini en appelant le président Bouteflika à sortir la réconciliation nationale des “tribunes philosophiques à la réalité”. Mais à voir les mines mi-souriantes mi-renfrognées de jeudi, Ennahda rêve par-dessus tout de… renaissance. L. B.