La ville des mosquées entrée en rébellion en avril, Falloudjah, est saluée par la communauté sunnite comme un symbole de “résistance”, mais l'armée américaine y voit “un nid de terroristes”, donnant refuge à son ennemi numéro un Abou Moussab Al-Zarqaoui. Plus d'un millier de soldats américains et irakiens encerclent ce bastion sunnite, à 50 km à l'ouest de Bagdad, après l'intensification des bombardements aériens sur des objectifs présentés comme des repaires de Zarqaoui. La pression sur Falloujah a augmenté après un avertissement du Premier ministre Iyad Allaoui qui avait menacé mercredi la ville d'une vaste offensive si ses habitants ne livraient pas Al-Zarqaoui, dont le groupe a revendiqué de nombreux attentats sanglants et plusieurs exécutions d'otages. Depuis juin, l'aviation américaine mène des raids nocturnes sur la ville, tuant au moins 200 personnes et démolissant des dizaines d'habitations. Les hôpitaux affirment qu'un grand nombre de femmes et d'enfants ont été tués mais l'armée américaine déclare avoir infligé des pertes aux islamistes. Après l'échec de l'offensive d'avril 2004 contre la ville de 200 000 habitants, l'armée américaine a choisi la politique de la main tendue en faisant appel aux vétérans de l'armée de Saddam Hussein, ses ennemis d'hier, pour former la brigade de Falloudjah et lui confier le maintien de l'ordre. L'opération avait été lancée après le lynchage de quatre Américains, employés d'une firme de sécurité, fin mars dernier, dans la ville. Mais cette politique a tourné court, la brigade a été mise à l'écart par la guérilla et une partie de la troupe a rallié les rangs de la “résistance”. Des ouvertures américaines en direction de chefs de tribu de Falloudjah ont également échoué : dans cette région où les traditions tribales sont bien ancrées, les Américains sont perçus comme des occupants et des infidèles. La dure répression d'une manifestation à Falloudjah, conduite par un imam en avril 2003 juste après la chute de Bagdad aux mains des troupes américaines, a envenimé les relations : dix-sept manifestants ont été tués ce jour-là par des tirs américains. Falloudjah s'est transformée au fil des jours en une enclave autonome théocratique, gouvernée par un conseil de moujahidine, sorte de direction d'oulémas radicaux placée sous la houlette de cheikh Abdallah Al-Janabi. Ce conseil, qui tente de régler par consensus les différends entre les multiples factions, estimées à 18, a imposé une application stricte de l'islam, faisant la chasse à la “dépravation des mœurs et à la luxure” et flagellant en public, notamment les consommateurs d'alcool. Parmi ces groupes, deux sont considérés comme extrémistes : Al-Tawhid wal jihad (unicité et guerre sainte) d'Al-Zarqaoui et l'Armée islamique en Irak.