Résumé : Nabila ne comprend pas sa mère et comment elle peut supporter son père. Sa mère refuse de porter plainte. Comment envoyer le père de ses enfants en prison ? Si elle tient le coup, c'est bien pour ses enfants. Nabila réussit au bac mais elle n'ira pas à la fac. Son grand-père la veut à ses côtés. Dahbia n'est pas d'accord. Elle craint que sa fille, contrainte à abandonner ses études, ne reste à la maison. - Je veux qu'elle soit médecin ou avocate, dit-elle à son beau-père. Je refuse qu'elle soit à la merci de son maudit père ou du hasard. Non, je ne veux pas qu'elle ait la même vie que moi. Hadj Tahar comprend les craintes de sa belle-fille et la rassure. Il lui explique pourquoi il veut Nabila à ses côtés. - D'ici quelque temps, je ne pourrai plus quitter la maison. Il faudra bien que quelqu'un reprenne les affaires. Il y a la boulangerie, le hammam, lui rappelle-t-il. J'ai besoin d'elle pour surveiller les employés. Il y a les recettes d'argent et les dépenses à vérifier. Les carnets de compte doivent être entre les mains d'une personne digne de confiance et je n'ai confiance qu'en Nabila. Elle est capable d'assumer ses responsabilités. Et je ne peux compter que sur elle. - Je veux bien te croire, dit-elle à son beau-père. Mais jusqu'à quand ? Qu'aura-t-elle en retour ? - Tout, répond hadj Tahar. Dès aujourd'hui, je lui fais une procuration pour qu'elle puisse se servir de mon chéquier comme elle l'entend. Elle disposera de sommes importantes dès qu'elle en connaîtra la valeur et saura s'en servir. Elle sera libre de faire ce qu'elle veut, elle n'aura de compte à rendre à personne. - Et si cela déplaît à son père et qu'il s'en prenne à elle ? demande Dahbia. Il ne va pas apprécier le fait que tu fasses confiance à sa fille et qu'elle détienne les chéquiers alors que tu l'ignores complètement, l'avertit-elle. Il ne va jamais le lui pardonner. - Il ne le remarquera même pas. Il est rarement à la maison, rétorque le vieux père désolé. Et puis, il ne me laisse pas le choix, je n'ai personne d'autre sur qui compter à part Nabila. Elle a dix huit ans, elle est en âge d'avoir des responsabilités. Elles me pèsent et je suis forcé de les confier à ta fille. S'il y avait eu un garçon dans la famille, je ne la forcerais pas mais le destin m'y contraint. Elle sera comme le fils que tu n'as pas eu, insiste-t-il. Tu pourras compter sur elle. â partir d'aujourd'hui, c'est elle qui tient les bourses et qui décide sur tout. Rien ne se fera sans son consentement. Personne n'a le droit de lui désobéir. Nabila qui ne s'attendait pas à autant de changement dans sa vie et qui s'était imaginée aller à la fac, n'en revient pas. Elle n'aurait jamais imaginé devenir le chef de famille sur l'ordre de son grand-père. Les choses auraient été différentes si son père était comme les autres ; beaucoup plus sobre qu'ivre, il aurait repris les affaires. Elle n'aurait pas eu à se demander si elle sera à la hauteur, si son grand-père n'a pas placé la barre un peu trop haute. Il attend beaucoup d'elle. En a-t-il conscience ? Elle ne croit pas. Disait-il vrai en affirmant qu'elle est responsable de tout et que ces décisions seront des ordres à exécuter ? Comme pour en avoir la certitude, dès le lendemain, elle parle de construire une villa à son grand-père. Il est d'accord. Il s'organise avec elle pour se rendre à la mairie puis à la banque. Durant plusieurs jours, ils font le nécessaire pour qu'elle ait définitivement main libre sur les chéquiers. Une fois ce problème réglé, Nabila décide d'apporter d'autres changements. Elle ne se sent pas à l'aise au village quand elle rend visite aux employés. C'est le début des années 1990 et au village, les rares femmes à travailler sont soit enseignantes, soit infirmières à la polyclinique. Aucune à être derrière le comptoir d'une boulangerie, d'un hammam ou à prendre les commandes des meubles à la menuiserie. C'est un milieu d'hommes. Sa place n'est pas parmi eux. Leur attitude est plus que méprisante et elle en souffre. Elle a des difficultés à avoir des réponses aux questions relatives aux affaires en cours et quand elle vérifie les comptes, elle est très mal vue. Elle ne le supporte pas et quand elle décide d'en toucher deux mots, à son grand-père, elle espère qu'il la comprendra. (À suivre) A. K.