Résumé : Dahbia tient une discussion avec son beau-père, sur sa fille. Ce dernier la rassure, lui promettant que d'ici quelque temps, personne ne parlera d'elle. Nabila vient souvent en coup de vent. Sa mère réussit à l'accrocher et elles parlent de M'hand, de sa brutalité lorsqu'il est en état d'ivresse. Nabila voudrait conseiller sa mère. -P orte plainte, lui dit Nabila. En passant une nuit ou deux en mandat de dépôt, il n'osera plus s'en prendre à toi. Dahbia a deviné depuis le début qu'elle allait lui demander l'impossible. Ce ne serait pas la première fois qu'elle lui parlerait de le mettre entre les mains de la justice. Mais jamais elle ne pourra le faire. - C'est contraire à tout ce que j'ai appris dans notre éducation, et je ne te l'apprends pas, la femme se soumet. Son mari pourrait la battre tous les jours qu'elle ne le dénoncerait pas à la police. Elles sont nombreuses à avoir été battues et aucune d'elles n'a porté plainte. Pourquoi le ferais-je ? - Tout simplement, pour qu'il ne recommence plus, rétorque Nabila. Cela lui servira de leçon. Sa mère secoue la tête. Qu'il soit question de leçon, de morale, rien ni personne ne pourront la forcer à porter plainte. Les traditions voudraient qu'elle ne doit pas lui répondre, ce ne serait pas elle qui les changerait. Il pourrait la tuer. Il ira en prison, pour son acte mais pour qu'elle l'y envoie, elle, de son vivant, jamais ! Elle entend déjà les gens murmurer derrière elle. Même si le temps aura passé, personne n'oubliera son acte. Il suffira qu'une de ses filles ait un problème, pour vite rappeler ce qu'elle a fait. Tous les prendront pour une famille à problèmes, donc à éviter. - Je n'ai pas eu de garçon, sur qui compter, lui dit-elle. Si je l'envoie en prison, vous serez livrées à vous -mêmes... Vous ne vous en sortirez jamais. - Ce n'est pas parce que je ne suis pas un homme que je ne m'en sortirais jamais ! réplique la jeune fille. Tu me déçois. Tu mérites tout ce qui t'arrive. Il profite de ta faiblesse et malgré ça, tu le couvres. - Tu sembles oublier que c'est ton père. Le visage de Nabila devient très grave, alors elle se lève. Jamais elle n'a senti sa présence sécurisante et réconfortante. - Je n'ai jamais eu de père ! Quand a-t-il été là pour nous ? Quand a-t-il travaillé ? Quand est-il resté sobre, pour pouvoir tenir une discussion avec lui ?...Quand ? Dahbia hausse les épaules d'impuissance. Elle reconnaît que M'hand a été un être irresponsable. Quant à être un père, c'est une responsabilité qu'a endossée Hadj Tahar à sa place. - Alors tu ne réponds pas ? À partir d'aujourd'hui, ne me parle plus de lui. Il n'a jamais existé pour moi. Sur ce, elle prend ses affaires et part. Elle est tellement déçue qu'elle ne rentre pas chez elle, aux Ouadhias. Elle s'arrête dans un salon de thé et commande une boisson fraîche. Le salon de thé situé au-dessus d'une cafétéria est divisé en deux. Une partie est réservée aux non fumeurs. Nabila s'est installée à une des tables, du coin fumeur, près d'une fenêtre qui donne sur la rue. Aux autres tables, des couples se murmurent des mots doux. Elle détourne le regard pour ne pas les voir. Quand elle pense à tout ce que sa mère a vécu depuis leur naissance, elle souhaite la mort de son père. Elle revoit les marques sur le cou de sa mère et ne peut s'empêcher de penser qu'il pourrait lui arriver pire. Elle soupire, regrettant le fait qu'elle ait refusé d'écouter ses conseils. Elle ne peut pas porter plainte, à sa place et si c'était faisable, il est certain qu'elle n'aurait pas hésité. Elle ne pense pas à la peine de son grand-père et de ses sœurs. Ce qui compte à ses yeux, c'est qu'il ne puisse plus battre sa mère. Un jeune homme interrompt ses sombres pensées en prenant place en face d'elle. Elle lève des yeux pleins de colère vers lui. - Qui vous a permis ? lui demande-t-elle en élevant la voix, prête à faire un scandale. - Personne. Il n'y a pas d'autre place libre et vous êtes seule, rétorque le jeune homme qu'on nommera Boualem. - Le serveur m'a dit que vous êtes ici depuis plus d'une heure. Et que… - Parce que vous avez parlé de moi ? s'écrie-t-elle. Je peux savoir pourquoi ? - Oui et à une condition, dit Boualem. Que je reste ! Nabila ne refuse pas. Après tout, un peu de compagnie lui fera du bien... (À suivre) A. K.