RESUME : Hadj Tahar donne sa bénédiction et apporte son soutien, à Nabila. Comme projeté, elle achète un salon de coiffure, une boutique et un véhicule pour ses déplacements. Elle surveille les travaux et est souvent contrainte à passer la nuit aux Ouadhias. Lés mauvaises langues s'en donnent à cœur joie... -El hadj, il faut la rappeler à l'ordre, prie Dahbia, son beau-père. C'est bien de lui donner carte blanche et de la soutenir dans ses projets, mais en n'ayant plus de compte à rendre, elle fait des erreurs qui pourraient lui gâcher la vie. Elle n'en a pas conscience, mais les gens parIent et parIent. Ils ne disent rien de bien sur elle. Hadj Tahar a un sourire ironique. Les rumeurs ne l'inquiètent pas autant qu'elle. - Ils sont tout simplement jaloux, répond-il. lIs parIeront d'elle, un mois, deux ou trois même mais ils finiront par se lasser. Avec le temps, elle les ennuiera. Tu verras d'ici quelques semaines, personne ne prononcera son prénom - Ils vont tous la prendre en grippe. Elle n'aura jamais de prétendants, dit-elle en baissant les yeux. Je ne voudrais pas qu'elle finisse sa vie sans avoir connu ses joies et ses peines. - Pour quelqu'un qui n'en a connu que ses peines, je te trouve bien optimiste, réplique le vieil homme. Mais je te comprends. Tu voudrais qu'elle connaisse un jour le bonheur. - Oui, soupire Dahbia. Le vrai… - Ce jour viendra, lui promet-il. Nabila en plus d'être intelligente est belle. Il y aura toujours un garçon assez fou pour vouloir d'elle, la rassure-t-il. - Je prie Dieu pour qu'il te prête longue vie, lui dit-elle. Pour voir toutes tes petites-filles se marier. - Inch AIlah ! Pendant ce temps, Nabila fait son chemin. Les travaux finis, elle fait une annonce dans le journal pour se trouver rapidement des coiffeuses. Le salon de coiffure ouvre ses portes un lundi de septembre 1993, et quant à la boutique, les choses se feront quelques mois plus tard. Entre-temps, comme l'avait rassurée son beau-père, les gens ne parIent plus autant de Nabila. Elle rentre rarement au village ou quand elle y vient, c'est en coup de vent. Tout comme avant, sa mère n'a presque plus l'occasion de lui parIer. Elles n'ont plus de vrai contact. Dahbia doit la prier pour qu'elle reste un peu. - On n'a pas que besoin d'argent Nabila, lui dit-elle. Depuis que tu t'as ouvert tes commerces, on ne te voit plus. J'ai parfois l'impression que tu n'es bonne qu'à nous donner de l'argent, mais moi, ta mère, je veux ton attention. - Mais tu l'as maman, réplique la jeune fille. Si je ne remarquais rien, je ne ferais pas tous ces achats. - Et rien d'autre ? demande sa mère, visiblement déçue. Nabila n'est pas aveugle. Elle a bien vu les marques de doigts sur le cou de sa mère. Si elle ne lui a fait aucune remarque, c'est parce qu'elle sait que sa mère ne l'écoutera pas. - Pourquoi s'en est il pris à toi ? Il n'avait pas assez d'argent ? - Si mais maintenant, il est toujours ivre, si ce n'était pas des gens qui le ramènent, je crois qu'il ne rentrerait jamais, répond Dahbia. Je ne le vois pas vieillir… M'hand a beau avoir moins de cinquante ans, il paraît plus vieux que son père. Hadj Tahar a gardé la forme, et ce qui n'est pas le cas de son fils. En état d'ivresse constamment, il a perdu l'appétit et ses traits creusés donnent de lui l'image d'un mendiant. Rarement à la maison, il ne se douche pas et ne prend pas la peine de se changer. Mal nourri, ma] habillé, qui croirait que sa fille est Nabila, ce garçon manqué. Certaines personnes ne blâment pas Nabila. lIs comprennent que c'est le désengagement et l'irresponsabilité de son père qui a fait que son grand-père l'ait choisie et l'a responsabilisée. C'est une lourde tâche à porter. Et c'est en femme responsable et prévenante qu'elle lui tient un propos dès plus sérieux. - C'est normal vu son état. Mais s'il vieillit, je sais qu'il ne t'en laissera pas l'occasion. Ta vie est en danger maman. Constamment en danger, insiste Nabila. Il a tenté de t'étrangIer. Il aurait pu faire pire. Si tu acceptes de m'écouter, tu éviteras de te retrouver à la morgue. Dahbia fronce les sourcils, se doutant bien qu'elle allait lui demander l'impossible… (À suivre) A. K.