Héritier de la centralisation jacobine française, l'Etat algérien est, en principe, suffisamment outillé pour épargner à ses communes les gestions désastreuses à répétition et, depuis quelques années, multipartites. “Vox populi vox dei”, hier, pour la majorité des habitants de Bordj El-Bahri, c'est une affaire entendue. Que deux édiles – l'un ancien, l'autre en poste – soient assassinés par balles dans un des nouveaux et anarchiques lotissements d'habitations de la coquette ville à l'est de la capitale, voilà un fait tragique qui a de fortes chances de se révéler être un sordide règlement de comptes. Qui plus est probablement lié à quelque scabreuse transaction foncière. Jusqu'à preuve du contraire, en tout cas, c'est la piste qui était privilégiée en premier, sachant que la commune où s'est déroulé le drame s'est distinguée depuis longtemps par une spectaculaire et criminelle dilapidation du foncier, tous statuts confondus. Encore qu'à ce sport favori des élus locaux, c'est-à-dire dilapider et bidonvilliser, Bordj El-Bahri n'est certainement pas la seule commune à détenir la palme. Quoi qu'il en soit, l'assassinat d'hier sonne comme un signal d'alarme en direction des plus hautes autorités qui, tout en décriant les gestions locales, n'en ont pas moins été de toutes les curées qui ont défiguré les cités algériennes et réduit les assemblées élues à des cénacles de profiteurs corrompant et se faisant corrompre. Souvent, pour se dédouaner de l'incommensurable gâchis, l'administration centrale s'est défaussée sur les maires et les assemblées locales élues en général, rendus responsables de toutes les gabegies qui empoisonnent la vie des administrés. Ces accusations, qui ont certes un fondement de vérité, n'expliquent pas, à elles seules, l'état de délabrement moral, éthique et financier des collectivités de base. Héritier de la centralisation jacobine française, l'Etat algérien est, en principe, suffisamment outillé pour épargner à ses communes les gestions désastreuses à répétition et, depuis quelques années, multipartites. Il est, en effet, bien commode de charger la mafia du foncier et de lui prêter des pouvoirs qui feraient partout reculer l'autorité. La réalité est autrement plus prosaïque et… moins compliquée. Aucune mairie d'Algérie ne peut vendre le moindre lopin de terre sans la complicité, passive ou agissante, de services de l'Etat – cadastre, domaines, force publique, etc. —, qui sont sous le contrôle de ses grands commis et non des élus. A. H.