Un retour à une vie politique digne de ce nom n'est pas seulement une exigence démocratique. Il est un impératif de salubrité publique et de saine gestion économique. Dans un effort quasiment scolastique, le président de la République a esquissé, la semaine dernière devant les députés, une définition de la démocratie et de l'Etat par ce qu'ils doivent être et ce qu'ils ne doivent pas être. Son insistance sur un Etat fort comme écorce de la démocratie a confirmé de nouveau son invariable vision de la vie politique. Celle-ci consiste, en résumé, à privilégier un nombre réduit de (grands) acteurs politiques acquis à une conception univoque de l'Etat. À sa décharge, il n'y a pas dans son programme de tromperie sur la marchandise. En pleine campagne électorale pour son premier mandat en mars 1999, il ne s'était pas privé de dire tout le “bien” qu'il pensait du pluralisme à l'algérienne avec lequel il allait devoir difficilement composer. L'esquisse de la semaine dernière sera-t-elle complétée aujourd'hui par le discours attendu qu'il va prononcer à la veille du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution ? Très attendu par les observateurs et analystes de la vie politique algérienne, ce discours devra clarifier davantage les desseins de Bouteflika pour son second mandat. Il a pour lui une voie libre, débarrassée de quelques grosses embûches qui avaient “parasité” son premier mandat, et surtout un faramineux pactole de 40 milliards de dollars — à fin 2004 — de réserves de change, un bas de laine dont n'a disposé aucun de ses prédécesseurs. L'exercice du pouvoir étant moins ardu quand les caisses de l'Etat sont pleines, les Algériens et ce qui reste de classe politique attendent de savoir si le chef de l'Etat placera son action sous le signe d'une double générosité démocratique et sociale. Car, pour l'heure, en fait de vie politique, il n'y a que l'officielle et la “para-officielle” qui se déroule pour des enjeux de pouvoir ou se féliciter d'être au “pouvoir”. Avec l'aisance qui est la sienne à l'intérieur et les soutiens puissants dont il bénéficie à l'extérieur, le pouvoir du président ne serait nullement affaibli par des mesures fortes de nature à redonner à l'opposition sa juste place, y compris dans une enceinte parlementaire qui ronronne d'ennui et d'unitarisme. Du reste, un retour à une vie politique digne de ce nom n'est pas seulement une exigence démocratique. Il est un impératif de salubrité publique et de saine gestion économique. L'argent à profusion, en effet, peut servir à l'Etat pour s'acheter des paix sociales sectorielles, mais il ne suffit pas seul pour préserver et renforcer la cohésion sociale. D'où l'urgence de rétablir un minimum de contre-pouvoirs dans le paysage politique national. A. H.