Les familles des disparus n'ont pas applaudi, loin s'en faut, à l'annonce faite par le président de la république, dans son discours du 31 octobre dernier, de décréter l'amnistie générale des “égarés”. Elles ne veulent nullement entendre parler d'amnistie, qu'elles ont d'ailleurs assimilée à “l'impunité” et à “l'amnésie”, sans passer d'abord par la justice. Elles n'ont pas manqué, non plus, de déplorer l'avalanche des soutiens exprimés çà et là pour ce projet. Dans une déclaration rendue publique hier, l'association nationale des familles de disparus (Anfd) assène vertement : “L'amnistie générale ne peut être opposable aux victimes des disparitions.” Pour cette dernière, la question doit être traitée “avec toute la responsabilité que requiert l'ampleur des implications du problème posé”. Tout en refusant de “faire table rase sur un passé”, l'Anfd estime, pour sa part, que “pour tourner la page et amorcer un autre avenir, l'impunité et l'amnésie ne peuvent venir à bout de plaies d'une décennie de massacres, d'assassinats, de disparitions et de terreur”. Après avoir critiqué la position de Farouk Ksentini, président du Ccppdh, l'Anfd s'interroge : “comment des familles, qui ont vu leurs enfants interpellés officiellement par les institutions étatiques, et dont elles ignorent le sort peuvent-elles renoncer à connaître la vérité et à aller devant la justice ?” Pour cette association, “seule la justice peut faire la lumière sur chaque cas, et l'amnistie générale ne peut être opposable aux victimes des disparitions”. Elle soupçonne aussi qu'“une telle amnistie soit destinée à empêcher que des enquêtes soient menées sur les auteurs des enlèvements et contribue à renforcer le climat d'impunité. Elle n'est pas de nature à renforcer le respect des droits de l'homme ni un Etat de droit”. À Farouk Ksentini, encore lui, qui a invoqué des dysfonctionnements et “la seule responsabilité individuelle d'agents de l'Etat” dans les disparitions, l'Anfd rétorque : “la vérité est que l'amnistie ne peut absoudre l'Etat de sa responsabilité de répondre sur le sort des milliers de disparus.” Non sans conclure : “L'impunité même accompagnée d'un dispositif administratif légal n'est pas l'expression d'une autorité de l'Etat, elle est au contraire un facteur qui perpétue la violation des droits de l'homme.” A. C.