Liberté : Des voix se sont élevées pour dénoncer la précarité des moyens de secours déployés par le port pour le sauvetage de l'équipage du Béchar ; que répondez-vous à ces accusations ? Ali Ferrah : Les gens disent tout et n'importe quoi. Ils imaginent qu'on a fait preuve d'impuissance. Ce qui s'est passé samedi dernier est une calamité. On avait affaire à des vagues de plus de 8 mètres de haut et à des rafales de vent dépassant les 100 km/h. Il était impossible aux remorqueurs d'approcher le Béchar à moins de 200 mètres. Le navire les aurait projetés contre les récifs et fracassés. Tout le monde est au courant de ce qui s'est passé avec notre chef mécanicien qui a eu les deux jambes sectionnées alors qu'il était à bord d'un des deux remorqueurs dépêchés sur le lieu du sinistre. En outre, on dit que le port ne dispose pas de remorqueurs de haute mer. Même ceux-là n'auraient rien pu faire compte tenu de la puissance de la tempête. Ce jour-là, il y avait 40 navires à quai et 20 en rade. Pour sécuriser les bateaux de la seconde catégorie, il fallait au moins trois remorqueurs pour chacun. On a fonctionné suivant l'ordre des priorités en abritant au large 14 navires, dont un étranger, qui contenait 38 000 tonnes de blé. Si on les avait tous laissés à quai, le sinistre aurait été plus important. La rade est plus une sécurité. Ce sont les navires à quai qui posent problème Pourquoi de telles dispositions n'ont-elles pas été prises pour le Béchar ? Le Béchar était aussi en haute mer. C'est sa légèreté qui a eu raison de lui. Car, il faut savoir que plus un navire est léger, donc sans chargement, plus il vacille sur la surface de l'eau. Le cargo a été entraîné par le fort courant vers la côte — la jetée Kheirredine, aux environs de l'Amirauté — où il a jeté l'ancre, qui, à son tour, s'est accrochée aux rochers. L'exiguïté du port d'Alger est également retenue comme un grief par les marins. Selon eux, le Béchar, vu sa situation — il est en réparation — devait se trouver dans un quai d'attente. Or, ce genre d'aménagement n'existe pas dans l'enceinte portuaire… Le port d'Alger est le seul dans le monde à connaître un encombrement aussi important. En 1962, il y avait 30 postes à quai contre 45 aujourd'hui. Le trafic a considérablement augmenté alors que les infrastructures sont restées les mêmes. Nous organisons des conférences chaque matin pour placer les navires. Notre priorité va à ceux qui ont des chargements. Nous leur donnons un délai de 3 jours pour larguer les amarres. Si on doit caser tous les bateaux, y compris les inactifs, il faudra fermer le port. Le stationnement de navires poubelles dans le bassin n'est-il pas en partie responsable de la promiscuité ? Il n'y a pas de navires poubelles au port d'Alger. On n'aurait jamais laissé de la place à ce genre d'embarcation. Le Béchar et le Batna — le vraquier échoué aux Sablettes — sont désarmés en vue de réparations, le premier depuis le 15 janvier 2001 et le second depuis le 4 novembre 2002. S. L.