"Je me souviens parfaitement de mon frère aîné Mohamed, 21 ans, qui avait exécuté un colon, rue Scipion. J'avais à peine sept ans et je n'ai plus revu mon frère qui est mort les armes à la main en octobre 1961 avec ses 13 compagnons lors d'un violent accrochage à djebel Debagh", se souvient cette vieille mère de famille. Salah, un retraité, fils de chahid, poursuit : "Mon père, qui s'apprêtait à commettre un attentat rue Scipion, a été trahi par un collaborateur. Il a été tué par des soldats en juin 1956 et sa dépouille nous a été rendue par le secteur militaire français." Des septuagénaires nous confient : "Nous étions scolarisés au collège d'Alembert, aujourd'hui Med-Abdou, au centre-ville, et nous avons été marqués par les agissements inhumains de l'armée coloniale qui exposait sur la place publique les cadavres des moudjahidine à des fins psychologiques ! Ces scènes horribles ont provoqué l'effet contraire puisque des jeunes sont montés au maquis par esprit de vengeance et par patriotisme !" Et de poursuivre : "Nous avons vécu les rafles, les bouclages des quartiers par la soldatesque qui recherchait des suspects et procédait aux arrestations. Des accrochages et des embuscades étaient fréquents dans les montagnes survolées par des avions et des hélicoptères. Nous nous rappelons des incessants va-et-vient des ambulances qui évacuaient, sirènes hurlantes, les blessés et les morts vers l'hôpital de Guelma !" La région de Guelma a été le théâtre de glorieux faits d'armes et de batailles qui ont influé sur le cours des évènements. À titre illustratif, la bataille de Mermoura. Des rescapés racontent : "Plusieurs bataillons lourdement armés des forces coloniales étaient déployés dans la zone montagneuse et boisée de Mermoura, commune de Bouhamdane, pour entreprendre un ratissage afin de neutraliser les combattants de l'ALN dont la présence avait été signalée au commandement militaire. Un violent accrochage est survenu le 28 mai 1958 en début d'après-midi et s'est poursuivi jusqu'au lendemain soir. Il était caractérisé par un déluge de feu puisque de grands moyens humains et matériels avaient été mobilisés par les colonialistes. Accompagné du pilote et du mécanicien, le sinistre colonel Jean-Pierre, commandant le 1er REP, survolait à basse altitude, à bord d'un hélicoptère Alouette, cette zone de combats, afin de repérer et de signaler aux unités de parachutistes les positions des djounoud de l'ALN. Soudain, une rafale d'armes automatiques retentit et atteint l'hélicoptère qui s'écrase au sol. Toutes les radios se mettent à crépiter ‘Soleil est mort', indicatif de l'officier supérieur. C'est la consternation qui s'abat dans les rangs de l'armada française."