Si avec une telle débauche de moyens mobilisés, ce n'est pas une guerre totale qui est déclarée au criquet pèlerin, il faudra alors croire que le danger de l'invasion acridienne est derrière l'Algérie. Or tel n'est pas le cas, loin s'en faut. Le plus dur est même à venir, et il est annoncé pour les deux premiers mois de l'année prochaine. À cette date, soit en février-mars 2005, la seconde grande invasion acridienne, après celle du printemps et de l'été derniers, proviendra des frontières ouest du Maroc, en tant que zone de transit, et de la Mauritanie et du Sahara occidental devenus des zones de forte reproduction et de grégarisation du criquet. Hier, la sonnette d'alarme a été tirée par M. Abdesselam Chelghoum qui a présidé la cellule de crise de la lutte antiacridienne au ministère de l'Agriculture et du Développement rural, dont il est également le secrétaire général. On apprendra, à cette occasion, que l'Etat n'a pas lésiné sur les moyens à mettre en œuvre pour contrer la menace. La lutte au sol, avec 250 véhicules et plus de 70 000 pulvérisateurs à dos, sera renforcée par un appui aérien de 48 avions contre 8 précédemment. Un budget ouvert de 6,5 milliards de dinars a été dégagé par le Trésor et versé dans un compte ouvert auprès de la banque Badr. Bien que sérieuse et préoccupante par son caractère inédit, la situation pourra être maîtrisée si les mécanismes de coopération interrégionale et les dispositifs mis en œuvre au niveau local réussissent leur combinaison sur le terrain. Etant mieux dotée que ses voisins, l'Algérie est certes en mesure de venir à bout du fléau, comme elle l'a fait avant l'été. Mais ses efforts seront insuffisants et ne parviendront pas à l'endiguer totalement si la menace n'est pas contenue en “amont”, soit en Mauritanie, au Sahara occidental et au Maroc principalement et, à un degré moindre dans certains autres pays de la zone sahélienne. Sur ce chapitre, celui de l'aide et de la coopération, les chiffres qui ont été communiqués par M. Chelghoum confirment que l'aide de l'Algérie s'est traduite concrètement sur le front de la lutte antiacridienne par l'envoi d'équipes spécialisées et de dons non négligeables. Au total, la contribution algérienne dans la région occidentale du Sahel et du nord-ouest de l'Afrique a consisté en l'envoi de 27 équipes de traitement de novembre 2003 à fin mars 2004. Pour la même période, l'Algérie a fait don de 130 000 litres de pesticides et 24 000 litres de carburant. Pour la période 2004-2005, l'Algérie enverra 48 équipes de traitement et de prospection dans sept pays, ainsi que des dons en nature plus conséquents encore. C'est donc une «véritable guerre», pour reprendre les propos de M. Chelghoum, qui est menée contre un fléau aggravé par une bonne pluviométrie. Les chiffres rendent compte de l'ampleur du fléau et des moyens mis en œuvre. Au 25 novembre dernier, pour la phase automnale, 750 000 hectares infestés ont été traités dont 606 000 hectares, soit 80 % pour le dernier mois. Signalons, pour la petite histoire mais qui risque de devenir grande, que des essaims de criquets ont atteint la Turquie, Chypre, Israël, le Liban, se jouant des distances et des aléas climatiques. En dépit de la progression vers le nord du danger, les pays africains n'ont pu disposer que de 30 millions de dollars au titre de l'aide internationale, alors qu'il en était attendu 300 millions. A. H.