Immédiatement après le lancement de leurs activités, les trois opérateurs du secteur que sont Djezzy, Nedjma et Mobilis se sont engagés dans une bataille commerciale farouche. La révision à la baisse des tarifs de l'un entraîne une réplique promotionnelle de même “magnitude” de l'autre. Et voguent les prix ! Seul dans l'arène, l'opérateur historique Mobilis, qui a été mis en place en août 2003 après restructuration de Algérie Télécom, écoulait par le passé les cartes Sim GSM avec des prix jugés exorbitants par les consommateurs. La ligne GSM se vendait à l'époque à 25 000 DA. Pour s'arracher une puce, le demandeur n'avait qu'un seul choix : recourir à des "connaissances" au niveau du ministère où opter carrément pour la "tchipa". La demande dépassait nettement l'offre. Près de 500 000 demandes étaient en instance. L'arrivée de l'égyptien Orascom sur le marché en 2002, après l'achat de la deuxième licence à 747 millions de dollars, a chamboulé l'équation. L'offre a pris le dessus sur la demande. Devant l'inertie de l'opérateur historique, Djezzy, deux ans durant, jouait sur du velours. Dans ses campagnes promotionnelles, OTA lance une opération de charme régulière en direction du consommateur en annonçant des rabais sur le prix des puces. En un temps record, la situation de monopole qu'exerçait Algérie Télécom, qui a hérité de l'ancien réseau GSM, a basculé en faveur de la société égyptienne. La puce Djezzy au lancement était vendue à 25 700 DA. Le consommateur algérien, frustré par le monopole exercé jusque-là par l'opérateur historique, se rabat sur Orascom. L'arrivée de l'outsider koweïtien Wataniya Télécom a provoqué un "séisme" dans le paysage de la téléphonie mobile en Algérie. La société du groupe Sawaris, qui se contentait auparavant d'effectuer de légers réajustements tarifaires, lance de grandes campagnes publicitaires annonçant des niveaux de rabais jamais égalés, au point d'intimider les deux autres concurrents. Au grand bonheur du consommateur algérien, les tarifs ont connu ainsi une réduction inespérée. La puce qui était à 25 700 DA est passée à 2 990 DA en prepaid. Qui dit mieux ! Une offre assez variée et avec des prix concurrentiels caractérise aujourd'hui le panorama des mobiles. De la formule simple avec abonnement ou sans à celle destinée aux entreprises ou groupes, un large éventail est proposé par Mobilis, Djezzy et Nedjma. Nedjma joue la carte de la technologie Wataniya Télécom Algérie (WTA) pénètre le marché le 26 août dernier de manière très agressive. Le nouvel intervenant dans les mobiles, qui a acheté sa licence à plus de 421 millions de dollars, devait innover pour se frayer une place au soleil. Pour ce faire, WTA joue la carte de la technologie en proposant des WAP. Il introduit un nouveau vocabulaire lié au multimédia qu'il a apporté tel MMS, GPRS… Le point fort de son offre réside évidemment dans le système de facturation à la seconde ainsi que la baisse des tarifs de la communication, y compris sur le réseau international. Désavantagé par la couverture du réseau qui est uniquement assuré pour le moment au niveau de 6 wilayas, WTA lance des formules d'accès suffisamment attrayantes pour constituer une alternative crédible aux autres opérateurs. En effet, pour la première fois, les prix des communications qui tournaient autour 20 DA HT la minute connaissent une réduction de plus de 50%. Le nouvel opérateur WTA s'est appuyé sur une démarche qui consiste, selon son staff, à offrir aux Algériens une "nouvelle façon de communiquer" grâce aux services multimédias. Elle a introduit un tarif unique quel que soit le réseau destinataire (fixe ou mobile), des appels aux coûts de 7,50 DA à 15 DA TTC. Une seconde de communication Nedjma coûte, si on utilise une carte de 1 000 DA dont l'unité est à 15 DA, 0,25 DA. WTA propose une gamme de quatre cartes de recharge. La directrice du marketing, Mme Scott, a expliqué que cette tarification est fondée sur des études approfondies du marché. "Nous avons le meilleur tarif à la minute. Une tarification basée sur la transparence. En un mot, on a simplifié les choses par la transparence." Le réseau international connaît un grand chamboulement. Avec un tarif de 15 DA la minute vers la France, Nedjma s'attaque désormais à la principale rentrée d'argent d'Algérie Télécom. Les deux autres concurrents ont réagi en adoptant la facturation à la seconde. Mobilis suit la voie tracée par la société que dirige M. René Patoine en proposant à ses clients la facturation à la seconde à partir de la première minute. C'est le même tarif à la seconde que chez Nedjma, à savoir 0,25 DA. Djezzy, en revanche, adopte un système de facturation différent par bloc de 30 secondes. Au lieu de programmer le compteur à la minute et à la seconde, OTA opte pour les 30 secondes comme unité de communication. Le directeur de marketing du groupe Sawaris justifie cette nouvelle règle de calcul par une étude réalisée sur l'utilisation normale du téléphone par ses clients. Laquelle étude a démontré que plus de 75 % des appels sortants de Djezzy durent moins d'une minute. "Les Algériens communiquent beaucoup, mais à courte durée ", a lancé M. Abdeslam, directeur de marketing d'Orascom. Ce nouveau mode a été suivi également d'un réaménagement des prix de communications locales et internationales jamais revus, notamment pour le prepaid. Orascom propose alors des formules tarifaires nouvelles pour le prepaid qui constitue 90% de ses clients. Les nouvelles grilles de Djezzy viennent pour contrecarrer le prix de 7,5 DA la minute de Nedjma. Les cours d'Orascom, mode prépayé, débutent à partir de 5 DA pour 30 secondes. Dans la formule dite "Toi et moi" (de Djezzy vers Djezzy de choix), le client bénéficiera du prix de 5 DA/30 secondes pour un seul numéro préféré, le reste est fixé à 6 DA pour 30 secondes. Cela est valable pour la carte de recharge de 1 200 DA dite économique. L'autre formule mise sur le marché s'intitule "Entre nous" (Djezzy vers Djezzy). Il faudra acheter une carte de recharge de 3 000 DA pour espérer bénéficier du tarif 5 DA pour 30 secondes. Sinon pour le reste, Djezzy vers le fixe ou vers les autres mobiles, le coût fixé pour un bloc de 30 secondes est de 9 DA, indépendamment de la carte de recharge achetée. Pour le simple abonné, la facturation des communications est calculée sur la base d'une minute. Pour lui simplifier la tâche, la minute de Djezzy est implicitement facturée à 10 DA en intra-réseau, pour un seul numéro dit préféré, à 12 DA pour le reste et à 18 DA en extra-réseau. Combien coûte donc la seconde ? Si on consomme 30 secondes et une seconde, la facture sera calculée pour 60 secondes. Elle est vendue à 0,20 DA en intra-réseau et 0,30 DA vers les autres mobiles. Ces nouveaux tarifs sont en vigueur depuis le 26 septembre dernier. Sur le réseau international, l'opérateur met en avant deux tarifs, l'un pour le prépayé à 13 DA pour 30 secondes, soit 26 DA la minute ou pour 31secondes. Pour le postpayé, il s'est aligné sur Nedjma à 15 DA la minute vers la France. Mobilis imite ses concurrents Pour sa part, Mobilis casse toutes les baisses de prix annoncées en grande pompe par ses concurrents. L'opérateur historique propose une réduction de frais d'accès de 5 800 DA à 2 800 DA TTC avec 1 000 DA de crédit pour le prepaid. Les recharges Mobilis sont disponibles au prix de 1 000, 2 000 DA. S'agissant de l'abonnement, l'offre résidentielle (061) est proposée à 8 000 DA contre 25 000 DA auparavant, l'abonnement à 1 000 DA contre 1 300 DA. Le forfait postpayé consiste en un accès facturé à 7 500 DA, avec un abonnement au prix de 2 000 DA pour 240 minutes de communications. Quant au prix de la communication intra-réseau (Mobilis-Mobilis), il est fixé à 5,40 DA, vers le fixe à 6,80 DA et extraréseau (vers les autres mobiles) à 10,40 DA. La filiale d'Algérie Télécom choisit la veille du début de Ramadhan pour annoncer ses tarifs promotionnels vers l'international de 75%, soit 14 DA la minute vers La France. Une véritable révolution des prix. Bataille par promotions interposées C'est Wataniya Télécom qui ouvre le bal avec des appels gratuits pendant les soirées du Ramadhan. Djezzy, pour sa part, maintient le même tarif des puces à 2 900 DA accompagné de deux recharges de 500 DA. Ceci s'explique par le fait qu'il compte 2,5 millions d'abonnés tandis que Mobilis met sur le marché des puces prepaid à 1 000 DA avec carte de recharge. Wataniya propose le tarif de 2 900 DA pour deux cartes SIM en prépayé. Une manière qui lui permet de grossir le nombre de ses clients. Malgré notre insistance, Mme Scott, directrice de marketing, refuse d'avancer un quelconque chiffre après deux mois d'activité. “Je ne peux donner de chiffres pour les divulguer. Pour cela, il faudra d'abord coordonner et s'entendre avec les actionnaires de la société mère qui se trouve au Koweït.” Le seul chiffre rendu public concerne le million d'abonnés attendu à la fin 2005. Selon le ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, le 3e opérateur a atteint 105 000 ventes. Les résultats enregistrés jusque-là rendent les responsables de Wataniya optimistes. À Orascom, ce cap est largement dépassé. Selon le directeur du marketing, le nombre des abonnés avoisinera les 3 millions dont 80% en prepaid. Le directeur général de Mobilis, enfin sorti de sa léthargie, a indiqué que la filiale de Algérie Télécom a nettement dépassé les 900 000 abonnés, dont 60% en mode prépayé. M. Belhamdi révèle que les objectifs de l'entreprise sont de l'ordre de 1 million à la fin 2004 et de 3 millions d'abonnés à la fin 2005. L'autre front sur lequel se sont engagés les trois opérateurs est lié à la qualité des services. En effet, Nedjma, à qui revient le mérite d'être le pionnier des baisses des prix, annonce la mise sur le marché de services téléphoniques innovants. De son côté, la filiale d'Algérie Télécom se tourne vers les dernières technologies. Le premier responsable de l'opérateur historique a promis la mise en place d'un réseau UMTS à titre expérimental pour la fin de l'année. Alors que Djezzy par la voix de son responsable en marketing estime qu'il n'est pas encore temps d'évoquer ces concepts technologiques, pour Orascom, une technologie qui n'est pas soutenue par un service n'a pas raison d'être. “Il faut d'abord avoir et offrir un éventail de services pour penser à la technologie puisque cette offre nécessite un gros investissement. Ceci dit, on est en train de développer nos services pour trouver des solutions pour les entreprises”, lance M. Abdeslam. Néanmoins, il faut noter que OTA propose déjà le VSAT pour les entreprises. La société égyptienne s'évertue de “fidéliser” ses abonnés par la qualité de réseau qui couvre les 48 wilayas et 90% de la population. Mobilis, par contre, s'efforce d'être au rendez-vous dans les meilleurs délais. M. Belhamdi affirme que le réseau Mobilis, depuis sa prise de fonction en été dernier, s'est amélioré de 30%. L'opération de déploiement, dit-il encore, se poursuit à un rythme accéléré. “Je peux dire que la qualité de couverture d'Alger est meilleure que celle des autres opérateurs. Après 2005, la couverture sera totale même à l'intérieur des tunnels et des immeubles.” L'outsider Wataniya assure pour le moment une couverture de 7 wilayas. L'opération se poursuit à un rythme très avancé. Scott parle de 400 BTS d'ici la fin de l'année. R. H.