Le président de Jil Jadid, Djilali Soufiane, est encore sous le choc de sa récente visite à In-Salah. Accompagné du président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme, Salah Debbouz, et du journaliste activiste, Mahdi Biskri, le leader de Jil Jadid n'en revient pas. "C'est une ville vide, que des maisons délabrées. Il n'y a rien là-bas. C'est une ville hors champ", a-t-il déclaré, lors d'une conférence de presse organisée, hier, au siège de son parti à Zéralda. Ses propos sont soutenus par le président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme qui déclare : "Nous avons vu des gens complètement isolés, complètement démunis." Comme quoi la protestation des habitants d'In-Salah aura permis de sortir cette localité de l'anonymat, du moins la faire découvrir aux responsables de ce pays et aux partis et autres organisations de la société civile qui n'y avaient jamais mis les pieds auparavant. Pour revenir à la mobilisation des habitants du Sud, et plus particulièrement ceux d'In-Salah qui protestent depuis une vingtaine de jours, Djilali Soufiane précise, tout de go, qu'il ne s'agit point d'une récupération politique et que cette contestation, contrairement à celles que l'on voit un peu partout, ne concerne pas des revendications socioéconomiques (logement, emploi, etc.), mais pour dire : "Non à l'agression de la nature, non à l'exploitation du gaz de schiste de cette façon, en cette période." Le président de Jil Jadid martèlera qu'il s'agit d'une réaction forte de la société, loin des partis politiques. Il considère que c'est "une leçon pour le Nord occupé par ses problèmes quotidiens". L'orateur fustigera les arguments du gouvernement selon lesquels, avec l'exploitation du gaz de schiste, la localité d'In-Salah connaîtrait le développement. "Pourquoi n'a-t-on rien fait pendant 50 ans ?" se demande-t-il, avant d'affirmer que les propos du ministre de l'Energie, accusant "la main de l'étranger", ont beaucoup blessé les habitants d'In-Salah. Djilali Soufiane tirera à boulets rouges sur Louisa Hanoune, "la fausse travailleuse et la vraie capitaliste qui défend les multinationales et qui dénie aux gens d'In-Salah le droit de protester". Le leader de Jil Jadid affirme que les gens du Sud regrettent que leur mouvement ne soit pas soutenu par ceux du Nord. Mais Salah Debbouz apportera un début de réponse, en affirmant que la police a empêché les activistes antigaz de schiste de tenir un rassemblement à Alger. Résumant les revendications des habitants d'In-Salah, il dira que ces derniers n'ont rien obtenu du pouvoir et ne demandent rien de sa part, mais que ce dernier ne vienne pas polluer leur nappe. Pour le président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme, "il y a des décisions qui engagent l'avenir du pays et qui se prennent dans l'opacité" et de plaider pour la révision de la loi sur les hydrocarbures, l'ouverture d'un débat national, en toute transparence. Abondant dans le même sens, Mahdi Biskri dira que les gens d'In-Salah luttent pour toute l'Algérie. Pour lui, les multinationales seront les premières bénéficiaires de l'exploitation du gaz de schiste, en vendant le maximum d'appareils de forage. Pour Djilali Soufiane, la question qui se pose aujourd'hui concerne les raisons de l'entêtement du pouvoir pour l'option du gaz de schiste, sachant que cette dernière ne peut compenser le gaz et le pétrole, en plus du fait que les rendements économiques ne sont pas évidents. Tout en rappelant les fameux calculs faits par le gouvernement concernant l'autoroute Est-Ouest et les coûts réels, il se demande pourquoi on opte pour le gaz de schiste dont le niveau de rentabilité est trop faible, en prenant des risques incommensurables. "Il y a quelque chose qui se cache derrière tout cela. Ce sera au bénéfice des vendeurs de quincaillerie de forage. Pour quelles raisons va-t-on mettre 70 milliards de dollars sans maîtriser le processus, ni les risques ni les résultats ? Qu'y a-t-il derrière ? Pourquoi cette précipitation ? Pourquoi M. Bouteflika est-il pressé de céder des terres aux multinationales ?" Il fustigera l'attitude du pouvoir face à la contestation des habitants d'In-Salah. "Comment se fait-il que ce soit le DGSN qui représente le président de la République à In-Salah ? Le Premier ministre n'est-il plus crédible, tout son gouvernement ne peut-il pas assumer ? Ce sont MM. Gaïd Salah et Hamel qui passent à la télévision, pour parler au nom du Président. Est-ce cela l'Etat civil dont parlait M. Saâdani ? Où est le gouvernement ? Où êtes-vous M. Bouteflika ? Il y a des émeutes partout et vous ne dites pas un seul mot." A. B.