Les entreprises de bâtiment et de travaux publics produisent cinq fois plus de déchets que les ménages, c'est une moyenne mondiale. Les nombreux chantiers ouverts pour la construction et la réhabilitation des bâtiments et les nombreuses démolitions d'immeubles génèrent des quantités importantes de débris de toutes sortes. Le recours à l'entreposage dans des centres d'enfouissement technique (CET de type III), en l'absence d'un schéma de gestion intégrée opérationnel qui inclut obligatoirement un tri et une tarification adéquate, montre ses limites. Partout l'amoncellement, dans les cités et dans de nombreuses ruelles, de débris de démolition abandonnés par les particuliers ou des entreprises dénote de la défaillance de la prise en charge en termes de collecte, de transfert, de transport et de stockage. De par le monde, la gestion de ce type de déchets, en zone urbaine, obéit à une chaîne qui privilégie le recyclage et la récupération à la source et à un strict respect du type de débris qui sont accueillis dans des CET III ou pour le comblement de carrières abandonnées et de crevasses. Les entreprises de bâtiment et de travaux publics produisent cinq fois plus de déchets que les ménages, c'est une moyenne mondiale. Contrairement à ces derniers, les chantiers sont caractérisés par une grande diversité dans les rythmes de génération, mais aussi la concentration, la taille et la nature des débris sont étroitement liées à la source. Il peut s'agir sans être exhaustif de béton, briques, tuiles, bétons revêtus de colles amiantées ou non, plâtres, verre, bitume, terres et cailloux, boues de dragage et remblai, matériaux d'isolation, bois, matières plastiques, revêtements de sol et canalisations PVC, métaux, emballages, équipements électriques et électroniques... La complexité à diriger chaque classe de "produits" sur une filière est évidente. Une chose est sûre : le constat fait dans l'argumentaire du programme national de gestion intégrée des déchets ménagers et assimilés (Progdem) demeure de mise : "Il n'existe pas un dispositif organisationnel permettant l'enlèvement périodique et régulier de ces déchets [inertes]. Des mesures seront prises pour permettre à la commune d'accomplir cette mission de service publique dans un cadre organisé et planifié", annonçait ce programme en 2011. Force est de constater que la situation reste la même. La wilaya d'Alger, selon les estimations du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, génère une quantité de déchets solides qui est le double de celui des déchets ménagers. C'est énorme, même si ce chiffre est probablement sous-évalué. La situation vire à l'asphyxie L'agglomération disposait de trois sites pour l'enfouissement des déchets inertes. Deux à l'ouest de la capitale : Staouéli, fermé en 2010 pour cause de saturation ; Douéra qui est aussi fermé après le lancement des travaux de la liaison ferroviaire entre Zéralda et Birtouta, la décharge se trouvant non loin du tracé de cette ligne. à l'est, le site de Bordj El-Kiffan (Rassauta), lui aussi saturé, ne reçoit les gravats que grâce à l'aménagement d'une zone d'extension qui servait de parc pour l'entreprise Cosider et, récemment, récupéré par l'Epic Asrout en charge de la gestion des déchets inertes dans la wilaya. Dans les faits, tout s'est précipité à la suite des dégâts occasionnés par le séisme de Boumerdès en 2003, qui a détruit de nombreuses bâtisses. La première alerte pour prospecter d'autres sites date de cette période. Mais depuis 2010, la situation est au rouge. Aux difficultés d'aménager d'autres sites sur le territoire de la wilaya s'ajoute l'absence de tout tri, alors que des quantités importantes peuvent être destinées à la récupération (bois, fer, verre plastique...) et surtout à la valorisation par le concassage (voir encadré) pour servir dans les travaux routiers en particulier. En France, selon le commissariat général au développement durable, en 2010, 2/3 des déchets inertes produits sont recyclés. à titre illustratif, Gecetal qui gère le CET de Hamici utilise des terres pour la séparation des couches des déchets ménagers pour leur enfouissement. Pour cela, elle dispose d'un site à Magtaa Kheira pour le stockage des remblais. Une démarche entreprise par Asrout pour l'entreposage se heurte à l'absence de tri à la source. Ce ramassage sans aucune ségrégation pose aussi d'autres problèmes. L'amiante issue de la destruction de bâtiments se retrouve dans ces décharges. Les plaques amiantées de la salle Harcha ont été et sont toujours entreposées dans la décharge de Rassauta, après les travaux de réhabilitation du complexe sportif. Des tonnes de pneus sont aussi entreposées dans cette décharge avec les risques d'incendie, comme cela s'est produit dans l'ancienne décharge de Staouéli. La situation est d'autant plus préoccupante sur le plan sanitaire que les trois sites de Staouéli, Douéra et Bordj El-Kiffan ont été mis en service sans aucune étude d'impact, nous confie un cadre de la direction de l'environnement de la wilaya d'Alger (Dewa). Pour lui, les sites n'ont aucune caractéristique de CET de type III, ce ne sont que de simples décharges contrôlées qui ne peuvent même pas être réhabilitées sans danger après fermeture, ajoute-t-il. R. S.