Le licenciement des quatre commandants de bord est intervenu au lendemain de leurs révélations sur les négligences ayant entraîné le naufrage du Béchar et l'échouement du Batna. Ils sont quatre commandants de bord. Leur licenciement est intervenu suite aux révélations faites sur les négligences et autres carences de gestion ayant entraîné le naufrage du navire de fret le Béchar et l'échouage du vraquier le Batna au port d'Alger le 13 avril dernier, à la veille de l'Aïd El-Fitr. “Est-ce nous qui avons attenté à la réputation du pavillon national ou la presse française qui a ironisé en affirmant que les bateaux algériens coulent au port et leurs avions crashent en bout de piste ?” s'est élevé le commandant Chabani. Cet officier est le dernier à avoir embarqué sur le Batna avant le drame. Il s'est exprimé hier matin au cours d'une conférence de presse initiée par la section Cnan-Group du Syndicat national des officiers de la marine marchande (Snommar) pour alerter l'opinion publique et les autorités sur le sort qui lui a été réservé ainsi qu'à ses collègues. Dans une déclaration distribuée aux journalistes, l'organisation syndicale estime “inadmissible et révoltant que les commandants soient sanctionnés et qualifiés de traîtres”. Outre leurs confessions sur l'absence de normes de sécurité et de navigabilité sur les bateaux naufragés, les officiers ont le tort de faire partie du Snommar, un syndicat autonome. “Il faut avoir une carte UGTA pour embarquer au bord d'un navire”, dénonce le commandant Benrabia. Ce sésame ouvre, en outre, les portes de la responsabilité au sein de l'entreprise. Gelé pendant deux ans, le poste de capitaine d'armement est revenu à un ancien marin, membre de… l'UGTA. C'est encore l'organisation qui a décidé de la sanction suprême affligée à M. Chabani et à ses compagnons. Seuls ses représentants uniquement ont droit de cité au sein de la commission de discipline de la Cnan. Ni audition ni préavis n'ont préludé au licenciement des commandants. M. Benrabia a reçu sa notification le jour où il a obtenu une copie de la décision de réintégration du tribunal suite à une première tentative de licenciement de la direction, il y a une année. Il a aggravé son cas en refusant d'embarquer sur le Béchar et Ghar Djebilet, “deux bombes flottantes” à son avis, dont l'une a explosé le 13 novembre. Le naufrage du Béchar a mis à nu “les dérives des responsables et la bêtise humaine” qui ont entraîné la mort de seize membres de l'équipage. “On a été qualifiés de traîtres par ceux qui veulent cacher la vérité et privilégient leurs intérêts personnels et l'intérêt du clan”, s'insurge le commandant Lakel. De telles déclarations lui ont déjà valu une action en justice de la part du P-DG, M. Koudil, pour diffamation, mais il n'en a cure. Si le licenciement a pour principale motivation de le faire définitivement taire, l'objectif est loin d'être atteint. “Nous n'avons pas divulgué de secrets. Les défaillances que nous avons livrées à la presse sont au cœur de nombreux rapports adressés à toutes les autorités, y compris la chefferie du gouvernement. Auparavant, il était exigé des commandants d'exécuter les instructions de l'armateur sans opposer le moindre refus au détriment de la sécurité du navire et de la vie de l'équipage”, se défend M. Lakel. Dans l'affaire du Béchar, la force des vents et la hauteur des vagues, telles qu'annoncées par la direction, sont “des mensonges” aux yeux des officiers licenciés et de leur syndicat. “Des vagues de 10 mètres auraient inondé la Grande-Poste”, ironise M. Lakel. Son collègue M. Berrazouane a occupé pendant deux ans un poste de responsabilité dans l'une des filiales du groupe Cnan. Ayant constaté toutes les lacunes, il a interpellé sa hiérarchie. Pour le faire taire, le seul recours était de le remettre au gouvernail. Aujourd'hui, il est mis à la porte. M. Benyahia est secrétaire de la section syndicale Cnan. Dans son intervention hier, il s'est attardé sur les différents articles de loi (code de travail, règlement intérieur…) que la direction a outrepassés en procédant au licenciement des quatre commandants. Ces violations sont à l'origine de la plainte adressée à l'inspection du Travail. Dans une seconde étape, les licenciés concernés comptent porter l'affaire devant les tribunaux. S. L.