Si pour les islamistes, les amendements introduits sont des concessionsdangereuses, pour les animatrices du mouvement féminin, elles représentent des miettes. D'un côté, il y a les islamo-conservateurs. Ceux-là considèrent les amendements introduits dans le code de la famille comme des concessions dangereuses. D'un autre côté, se trouvent les animatrices du mouvement féminin qui estiment les modifications très dérisoires et réclament l'abrogation pure et simple de la loi de 1984. Entre les deux courants, toutes ces victimes, divorcées, répudiées, privées d'héritage et jetées à la rue. “Vingt ans barakat” est le slogan des associations ayant milité pendant deux décennies pour la suppression du texte “infâme” voté par l'Assemblée du parti unique. Leur combat s'est soldé par de multiples illusions. À chaque fois que le pouvoir exprime une velléité de changement, les gardiens du temple y opposent leur veto en brandissant le texte sacré comme un bouclier. Des ateliers ont été mis en place sous la présidence de Liamine Zeroual, sans succès. En accédant à la magistrature suprême en 1999, Abdelaziz Bouteflika, en briseur de tabou, s'attaque au code de la famille. Il convoque une assemblée d'érudits, sous la houlette de l'ancien président du Haut-Conseil islamique, le défunt Abdelmadjid Meziane, pour démystifier la nature sacrée de certains articles du code. Une telle démarche a bien évidemment conduit à une réaction énergique des forces du statu quo. Soucieux des équilibres politiques qui constituent le support de son pouvoir, le président de la République lâche pour un temps le dossier de la réforme du statut personnel. Il le reprendra à la fin de son mandat en faisant de lui un énième argument de campagne électorale pour sa reconduction à la tête de l'Etat. Sûr de l'emporter grâce à l'alliance contractée avec de multiples forces politiques et au soutien de ses parrains au sein de la grande muette, Bouteflika ne recule plus. Cependant, force est de constater qu'en lieu et place des changements de fond dont il a fait la promesse, les amendements du code de la famille retenus par la commission mise en place durant l'hiver 2003 par le ministre de la justice, Tayeb Belaïz, sont insuffisants. Cette instance conduite par le premier magistrat de la Cour suprême a évité de se prononcer de manière intransigeante sur les articles les plus controversés, dont la polygamie, le droit à l'héritage et la répudiation. Désormais, le projet entériné par le Conseil de gouvernement exige du mari la mise à la disposition de son ex-épouse et de sa progéniture d'un toit. Toujours à propos du divorce, sa prononciation est laissée dorénavant à l'appréciation du juge, et ce, afin de mettre fin aux désunions abusives. Bien que maigre, cette série de recommandations n'a pas laissé les islamistes indifférents. El Islah les qualifie d'hérésie, alors que le Mouvement de la société pour la paix (MSP) réclame la tenue d'un référendum populaire. Dans le cas du MSP, son opposition très ostentatoire s'apparente plus à de la surenchère. S'il devait choisir entre combat, maintien du code de la famille et sa place au gouvernement et au sein de l'alliance présidentielle, il sacrifierait volontiers ses convictions au profit de ses ambitions. Les oppositions ainsi réduites à néant, il échoit aux pouvoirs publics d'aller plus loin. Le fera-t-il ? Après son passage en Conseil des ministres, la version revue et corrigée du code de la famille atterrira à l'Assemblée populaire nationale. D'ores et déjà, des femmes parlementaires du FLN, du RND et du PT comptent introduire d'autres modifications. S. L.