Le gouvernement veut prendre une autre direction et changer carrément de cap. Devant les walis, Abdelmalek Sellal a laissé entendre qu'il faut tout ou presque reprendre à zéro. Sept ans après le fameux "Nous nous sommes trompés" d'Abdelaziz Bouteflika devant les P/APC, c'est au tour d'Abdelmalek Sellal, qui a réuni les walis, hier, à la résidence El-Mithak, à Alger, de dire qu'il faut désormais agir autrement. La situation économique fragile du pays oblige, c'est d'un autre concept de gestion des affaires publiques que le Premier ministre a instruit les walis. "La conjoncture actuelle est, certes, difficile, mais elle offre aussi une excellente opportunité d'introspection et de prise de décisions audacieuses pour construire une nouvelle vision économique et modifier nos modes de fonctionnement et de régulation", est-il noté dans son discours. Mais Abdelmalek Sellal n'a pas eu recours qu'à son laïus officiel pour s'adresser aux walis. Il a dû souvent improviser, et ce sont des mots pas très tendres qu'il a lâchés, comme lorsqu'il a eu à demander aux walis de changer de "culture de gouvernance". Il leur a clairement signifié qu'ils ne peuvent plus se contenter d'"étudier des dossiers et signer des autorisations". Il veut désormais les voir affairés à chercher l'investissement et accompagner les opérateurs économiques. "Sur le terrain, vous devez désormais être plus blancs que vos tenues (couleur de l'uniforme que portaient les walis lors de la réunion, ndlr)", a-t-il clamé. Le Premier ministre ne s'est pas contenté de ce seul propos. Il s'est même montré menaçant : "Dorénavant, si j'entends parler d'un haut fonctionnaire qui entrave des investisseurs, je vais le sanctionner moi-même. Fini le temps de la bureaucratie, réceptionner des dossiers et demander aux gens de revenir le lendemain. Et je pense que je me suis bien fait comprendre." Puis, Abdelmalek Sellal pense que "le temps est venu pour rendre aux présidents d'APC leurs prérogatives". Et les walis sont justement invités à libérer l'initiative locale, puisqu'Abdelmalek Sellal a relevé que "les P/APC auront un grand rôle à jouer dans le développement de l'économie locale". C'est dans ce sens que le Premier ministre a jugé inadmissible "le fossé qui sépare l'administration du citoyen". Il a, d'ailleurs, souligné que "les walis et les élus locaux doivent, désormais, rendre des comptes aux citoyens". Plus encore, il a estimé que "dire la vérité aux citoyens est l'unique voie pour gagner la confiance et l'adhésion de tous à l'œuvre de renouveau national". Les regrets de Sellal ! Sur un autre chapitre, mais qui s'inscrit toujours dans la gestion des affaires publiques, Abdelmalek Sellal a indiqué que "nous devons débarrasser nos villes et nos localités des fléaux qui les dégradent comme l'insécurité, l'insalubrité et l'occupation anarchique des espaces". Il est même allé plus loin en faisant constater que "de temps à autre, nous entendons parler d'un nabab qui confisque un espace public". Un comportement qu'il promet de ne plus tolérer, jurant que "les lois de la République seront appliquées avec rigueur". Par ailleurs, le Premier ministre a regretté que l'Algérie n'ait pas su profiter de ses espaces agricoles et de ses atouts touristiques. Chose que le gouvernement est contraint aujourd'hui de faire, eu égard à la chute des prix du pétrole. "Quand je vois l'étendue de toutes les surfaces agricoles non exploitées, je me dis que cela ne nous honore pas", a-t-il regretté. Pis, Abdelmalek Sellal a laissé entendre que non seulement l'Algérie importe massivement, mais ne sait pas encore le faire. "Au lieu d'importer des vaches laitières pour produire du lait cru, nous importons des vaches de races à viande", a-t-il aussi relevé. Mais tout cela ne peut pas continuer, dit-il. L'Etat n'a plus les moyens de dépenser à outrance. Et sur cette question, Abdelmalek Sellal semble anticiper puisqu'il a certifié que "toutes ces décisions pour relancer notre économie et absorber le choc pétrolier toucheront des habitudes, des vieux réflexes et des intérêts". Il s'attend même à ce que ces décisions "reçoivent des résistances plus au moins fortes". C'est donc d'"un combat futur" que parle Abdelmalek Sellal, et pour le gagner, il a signifié aux walis que "notre principal allié sera la population si nous lui disons la vérité, lui expliquons notre démarche et si nous arrivons à gagner sa confiance". Dans son intervention, Abdelmalek Sellal semblait être au fait de toutes les pratiques qui entravent le développement du pays. Des pratiques souvent dénoncées par la société civile et les partis politiques de l'opposition. Si le gouvernement avait cette connaissance parfaite des problèmes de la nation, pourquoi avoir attendu aujourd'hui pour y remédier ? Au-delà de la réussite d'un tel pari ou non, demain, si les cours du pétrole enregistrent une nette hausse, l'Etat restera-t-il dans cette nouvelle logique ? M.M.