Le cas algérien est très singulier dans le marché des changes, car la devise étrangère n'est pas disponible à l'achat dans les banques en l'absence des bureaux de change, ce qui a permis la prolifération des opérations sur le marché parallèle. La Place du Square Port-Said à Alger est une référence de ce système de change parallèle. Pourtant une réglementation fixant les conditions de création et d'agrément des bureaux de change existe depuis presque vingt années. Il s'agit de l'instruction n°08-96 du 18 décembre 1996 émise par la Banque d'Algérie. En dépit de cette réglementation, l'activité est presque inexistante. Sur 46 bureaux de change agréés depuis 1997, seulement six sont opérationnels aujourd'hui. Cette frilosité pour l'ouverture de bureaux de change s'explique, selon le gouverneur Mohamed Laksaci, par la faible offre des devises et par la faible rémunération offerte à ces bureaux, fixée à 1% depuis 1997. Selon Noureddine Ismaïl, l'ancien président de la Cosob, la frilosité pour l'ouverture de bureaux de change trouve sa raison dans la nature même de l'instruction qui ne permet pas aux bureaux de change de vendre de la devise aux citoyens résidents en Algérie. Ce qui rend de facto ces bureaux de change des collecteurs de devises au profit de la Banque d'Algérie. En effet, l'article 12 de l'instruction précise que "les bureaux de change ne sont autorisés à acheter et à vendre les billets de banque et les chèques de voyage libellés en monnaies étrangères librement convertibles qu'auprès de non-résidents". Cette disposition exclut automatiquement les millions d'Algériens en quête de devises et qui sont obligés de s'orienter vers le marché parallèle. Dans son article 13, l'instruction précise que "les bureaux de change peuvent toutefois acheter tout montant en devises auprès des personnes physiques résidentes en Algérie". Là aussi, il est difficile de saisir le sens de cette disposition. En effet, on voit mal un citoyen qui ne dispose, légalement, que de la rachitique allocation touristique, allait la céder à un bureau de change. À moins que cette disposition ne concerne que les barons du marché parallèle de la devise. Ce qui peut sembler invraisemblable. L'instruction aurait dû permettre aux bureaux de change de vendre aux résidents, selon Noureddine Ismaïl qui ajoute qu'il fallait juste garantir la traçabilité en adossant les bureaux de change à des agences bancaires dans lesquelles les bureaux disposeront de comptes devises et dinars et qu'ils puissent en disposer à tout moment. La problématique de la mise en place des bureaux de change est ainsi revenue sur le devant de la scène bancaire nationale à la faveur du passage, dernièrement, de Mohamed Laksaci, gouverneur de la BA, devant les députés. En l'occasion, Mohamed Laksaci a annoncé une nouvelle réglementation. Le gouverneur de la BA n'a donné aucun détail sur cette nouvelle réglementation à part l'augmentation de la marge bénéficiaire des bureaux de change. En attendant de connaître les détails de cette nouvelle réglementation, gageons juste qu'elle ne connaîtra pas que le seul effet d'annonce et qu'elle puisse permettre de rendre cette activité plus concurrentielle, mais surtout attractive pour encourager le recours au marché légal des devises. S. S.