“La compagnie nationale pétrolière n'est pas au-dessus de l'Etat. La liberté totale donnée aux entreprises publiques est devenue un problème dangereux, pour l'Algérie”, a martelé le président de la République. Le chef de l'Etat a surpris hier l'auditoire lors de son discours d'allocution à l'ouverture du 2e Congrès africain du pétrole. Il a semblé piquer une véritable colère contre Sonatrach et Air Algérie. Un message à usage interne, destiné par ricochet à toucher la grande masse des Algériens. S'arrêtant de lire son discours, il a soutenu, sur un ton grave, que les réformes que “l'Algérie a pratiquées, issues des négociations avec le FMI, ont donné la liberté totale aux sociétés nationales. C'est devenu un problème dangereux pour l'Etat. Je n'exclus personne. Ces dernières gèrent les deniers du peuple. Il est nécessaire de revenir à une libéralisation en adéquation avec un Etat fort. Il est nécessaire de revenir à un contrôle de l'Etat de toutes les entreprises publiques dans tous les secteurs. Des conseils d'administration de certaines entreprises publiques augmentent notre endettement extérieur. Des décisions sont prises sans que le ministre soit informé”, citant dans la foulée Sonatrach et Air Algérie. Ces critiques épargnent le ministre de l'Energie, auquel, dit-il, le chef de l'Etat voue de l'affection. Peut-on parler de véritable réforme celle qui tue l'Etat et, partant, la souveraineté du peuple au profit d'intérêts personnels ? Il n'est pas dans les prérogatives des entreprises publiques d'utiliser n'importe comment les deniers publics. Elevant le ton, il a soutenu que Sonatrach n'est pas au-dessus de l'Etat : “Elle est membre de l'Etat.” “Nous ne voulons pas, (en fermant les yeux sur) les comportements de certaines entreprises publiques, une déstructuration de l'Etat.” C'est l'incompréhension dans la salle. Chacun est allé de sa propre interprétation. Ce qui est sûr, c'est que l'Etat est le propriétaire des entreprises publiques. À ce titre, il a un droit de regard sur leurs principales décisions, sur par exemple leurs investissements, leur gestion financière. Concernant des dérapages sur l'endettement extérieur commis, a-t-on appris, par Sonatrach sur un projet de développement de gisement, une circulaire du Chef du gouvernement est sortie toute fraîche l'été dernier pour rappeler à l'ordre les entreprises publiques centralisant au ministère des Finances les accords de crédits extérieurs. Elle exige le recours en priorité aux ressources propres : fonds propres, liquidités bancaires, emprunts obligataires, aux lieu et place des crédits extérieurs. Le syndrome de l'affaire Khalifa où des responsables d'entreprises publiques ont contribué à une perte causée au Trésor d'environ 2 milliards de dollars, semble imprégner le chef de l'Etat et beaucoup moins certains décideurs dans les entreprises publiques. Pour Air Algérie, on a interprété la raison de la colère du Président à la récente nouvelle hausse importante des billets d'avion. Mais ce qui étonne, c'est que la circulaire de Ouyahia s'est félicitée que le pavillon national ait mobilisé 600 millions de dollars pour l'acquisition d'avions neufs à travers des emprunts obligataires, refusant, notons-le, des crédits extérieurs proposés par la puissante compagnie américaine Eximbank. En tout état de cause, le chef de l'Etat multiplie les signaux contradictoires qui pourraient inhiber l'investissement. Un libéralisme bon teint dans une partie du discours : “L'ouverture des domaines miniers, la levée des monopoles, la séparation des missions régaliennes de l'Etat et les missions des entreprises favoriseront l'efficience économique et l'augmentation de la production et ouvriront en même temps des perspectives nouvelles d'expansion pour nos compagnies nationales. Un passage vite contredit par la longue parenthèse sur Sonatrach." À tel point que ce discours dirigiste qui rime avec autoritarisme, et qui risque d'émousser les initiatives des cadres des entreprises publiques, a été vite interprété comme une remise en cause de la loi sur les hydrocarbures. En fait, ce n'est nullement le cas. Mais Sonatrach et d'autres entreprises publiques prêtent le flanc : absence de transparence dans certains cas, gestion donnant l'impression qu'elles sont des sociétés enclavées, étrangères aux préoccupations de la population. N. R.