Résumé : Le souvenir de ce jour où son jeune frère avait failli se noyer était encore si vivace dans son esprit que Narimène avait développé des phobies et refusait de nager. Racim est pourtant formel. Elle devrait chasser ces vieilles idées et reprendre confiance en elle. Pour cela, il insistera pour l'entraîner dans l'eau. Elle tente de retirer sa main de celle de son mari, mais ce dernier la tenait bien fort. -Avance donc un peu plus. N'aie pas peur, je suis là. Elle fait quelques pas et l'eau lui arrive à la taille. Elle s'accroche à Racim. -Je ne pourrai pas aller plus loin. Mes jambes ne me portent plus. Il passe alors une main autour de sa taille et l'incite à se laisser emporter par le courant. -Là... Tu n'auras plus besoin de tes jambes pour te porter. L'eau va t'entraîner vers le large. -Non... J'ai peur ! Racim, ramène-moi au rivage. -C'est certain que je t'y ramènerai, mais pas avant que tu ne m'aies démontré que ta phobie de la mer a bel et bien disparu. Pour le moment, ce n'est pas encore le cas. -J'ai... Je ne peux pas. J'ai... -Mais si. Tu peux. Tu peux nager, et sans contrainte. Tu sais nager, n'est-ce pas ? -Oui. J'ai appris à nager très jeune. Lorsque nous étions en France, mon père m'avait inscrite dans une piscine du quartier. Mais c'était bien avant cette mésaventure qui m'a traumatisée. - Ma chérie, tout cela c'est du passé. Vis le temps présent et oublie un peu ce douloureux passé. Cela ira beaucoup mieux pour toi. Un peu plus confiante, elle se met à faire quelques brasses, sans pour autant s'éloigner de son mari ou le quitter des yeux. Ce dernier nageait tout près d'elle et surveillait tous ses mouvements. Il restèrent ainsi côte à côte quelques minutes, puis jugeant que c'était assez pour une femme qui avait la phobie de la mer et qui ne s'en tirait pas mal pour un premier contact après tant d'années, Racim lui propose de revenir vers le rivage. Narimène, un peu perdue, se rapproche davantage de lui. Il lui sourit gentiment. -Tu pourras te baigner encore dans un moment, si tu te sens d'aplomb. Mais pour une première tentative de renouer avec la natation, tu t'en sors pas mal ma chérie. Elle reprend pied et s'avance vers la plage pour se laisser choir sous le parasol. Elle prend une serviette et se met à s'essuyer. Ses cheveux mouillés dégoulinaient sur ses épaules. Elle les tord et les retient avec une pince puis se retourne vers son mari. -L'eau était si bonne que je n'avais plus envie de sortir. Il fait la moue. -Je pensais que tu avais une peur bleue de la mer. Elle sourit à son tour. -C'est vraiment bizarre de reprendre ce contact interrompu depuis de longues années. Tu m'as pratiquement permis de me débarrasser de cette terrible phobie -Tu vois bien que, parfois, il suffit de peu pour vivre heureux. Elle se met à jouer avec sa serviette. -Pas toujours, Racim. Il y a des choses qui marquent à jamais à une personne. -Quoi par exemple ? -Je ne sais pas. Il y a les chocs émotionnels. Les traumatismes hérités de certaines situations. Il se frotte le nez et la regarde, amusé. -Je suis le mari d'une femme qui craint tant de choses dans la vie, que je crains moi-même de la voir se volatiliser devant moi. Tu crois que je commence à développer la phobie de te perdre, Narimène. Elle se met à rire. -Je ne sais pas au juste. Mais si tu dois me perdre un jour, il faut bien que tu acceptes cette éventualité. Il se gratte la tête, signe chez lui d'une grande préoccupation, et la contemple un moment avant de lancer : -Je ne veux pas te perdre, Narimène. Ils rentrèrent assez tard à la maison, après avoir dîné et pris des glaces dans un des salons de thé les plus réputés. Narimène avait apprécié sa journée et s'était accrochée au bras de Racim pour flâner à travers quelques boutiques de souvenirs. Puis, se sentant heureuse, mais épuisée, elle lui demanda gentiment de la ramener à la maison. Racim ouvre la porte de l'appartement et lui cède le passage. Elle baille et met la main devant sa bouche en s'avançant dans le couloir. Elle allume la lumière dans sa chambre et se laisse tomber sur le lit en jetant ses affaires autour d'elle. Elle se débarrasse de ses souliers et se laisse aller contre un oreiller. -Tu devrais te changer et te glisser sous les draps. Elle hausse les épaules. -Plus tard. Je me sens si lasse que je n'ai même pas le courage de me lever. -À ta guise. Je vais me préparer un thé. Tu en veux ? Elle secoue la tête. -Non. Merci. (À suivre) Y. H.