Cet expert, qui exerce en tant qu'analyste boursier à Stockholm en Suède, évalue les résultats de la réunion de l'Opep à Alger et présente ses estimations sur l'évolution des prix du pétrole d'ici à 2017. Liberté : Comment analysez-vous les résultats de la réunion informelle de l'Opep à Alger ? Noureddine Legheliel : La réunion informelle de l'Opep à Alger a été couronnée de succès. Le mérite revient en premier lieu aux Saoudiens mais aussi à la diplomatie algérienne. Le marché pétrolier a été complètement surpris par la décision des pays membres de l'Opep de réduire la production de l'organisation à 700 000 barils-jour. Les acteurs du marché pétrolier s'attendaient, dans le meilleur des cas, à un gel de production mais rarement à une réduction. Aussitôt la décision de l'Opep connue, le marché réagissait par une hausse euphorique du cours du Brent de l'ordre de 6% et 5,6% pour le Wti. Comment voyez-vous l'évolution des prix du pétrole d'ici à fin 2017 Comme j'ai déjà eu à le dire, il y a 17 jours de cela, le marché pétrolier avait retrouvé ses forces durant le printemps 2016. Et je peux dire avec une certitude presque absolue : adieu à un baril de 30 ou 40 dollars. Il y a plusieurs indicateurs du marché qui soutiennent ce raisonnement. Un prix moyen du Brent à 65 dollars pour l'année 2017 est tout à fait possible. Pensez-vous qu'un accord définitif à la réunion ordinaire de l'Opep prévue fin novembre poussera les prix à hauteur de 60 dollars le baril fin 2016 ? Tout à fait, si un accord définitif est concrétisé en novembre 2016 à Vienne, le cours du Brent atteindra les 60 dollars avant le 31 décembre 2016. Il convient d'observer l'évolution des cours du Brent et Wti durant ces jours qui nous séparent du 28 novembre 2016 pour pouvoir avoir une idée sur ce qu'anticipe le marché pour la réunion de Vienne. Quelles sont les parties qui vont réguler le marché en 2017 : l'Opep ou les producteurs de schiste américain ? Bonne question. Premièrement, il faut savoir, comme je l'avais dit à maintes reprises par le passé, que les vrais acteurs du marché pétrolier se trouvent à la Bourse de Nymex de New York et que ce sont ces acteurs qui, à travers leurs tradings quotidiens, fixent le prix du baril Wti et sur le marché Londonien ICE d'autres acteurs fixent le prix du baril du Brent. Nymex et ICE sont deux marchés à terme. Aujourd'hui, la plupart des experts disent qu'un prix du Brent ou du Wti au-delà de 60 dollars pousse les producteurs de schiste à reprendre leur activité inondant ainsi le marché de nouveau, ce qui résulterait par une nouvelle chute du prix. Ce scénario est possible quoique nous ayons pleinement le droit d'exprimer notre scepticisme là-dessus. Le boom de l'activité des pétroles de schiste a été l'œuvre de petites et moyennes entreprises pétrolières américaines spécialisées uniquement dans les pétroles de schiste, mais après la baisse des prix qu'avaient connue les marchés pétroliers durant ces deux dernières années, ces entreprises se sont retrouvées dans des situations financières alarmantes. Afin d'améliorer leurs notes financières, leurs titres obligataires et leurs CDS (baromètre de solvabilité), ces firmes ont été sommées de vendre beaucoup de leurs actifs, ce qui a réduit potentiellement leurs activités dans l'exploration et l'exploitation du pétrole du schiste. Les majors américaines et internationales furent les acheteurs des actifs cités, mais les majors n'utilisent pas ces actifs afin de ne pas inonder le marché et faire chuter le prix du baril et leurs bénéfices annuels et trimestriels. Pensez-vous que les pays non-Opep vont s'aligner sur la décision de l'Opep de baisser sa production à l'issue de la réunion de Vienne ? Je ne pense pas que les pays non-Opep vont s'aligner sur la décision de l'Opep de baisser sa production à l'issue de la réunion de Vienne car l'activité pétrolière dans les pays non-Opep est gérée, dans la plupart des cas, par des compagnies privées cotées en Bourse qui sont soumises à la volonté de leurs actionnaires et non pas au gouvernement de leurs pays respectifs. Avec la Russie, on peut espérer, dans le meilleur des cas, un gel de production (en Russie 50% des entreprises pétrolières sont publiques et 40% sont privées). Le fonds souverain norvégien avait amassé plus de 200 milliards de dollars de profits durant ces 6 dernières années. Un gel ou une réduction de la production du pétrole n'est pas important pour l'Etat scandinave.