Avec les pluies diluviennes de cet hiver, Alger s'est trouvée noyée de gravats de toute sorte que les eaux n'ont cessé de charrier, provoquant gêne et dégâts. Un orage et bonjour nids-de-poule, crevasses, larges tranchées et éboulis. Passons sur le fait récurrent que les conduites d'eau de ruissellement, souvent mal conçus et insuffisamment curés. Le problème, ce sont ces tas de gravats qui jonchent presque partout. Aux interminables travaux de la Sonelgaz, de l'Algérienne des eaux et des télécommunications, qui retournent sans cesse voies et trottoirs, se sont additionnés les multiples chantiers de construction, qui poussent comme des champignons, mais qui, à quelques rares exceptions, ne respectent pas les règles les plus élémentaires, dont l'évacuation de leurs déchets qu'ils abandonnent sur la voie publique. Dans l'attente d'une prochaine guerre aux immondices, comme celle récemment diligentée par la wilaya, beaucoup de chantiers, notamment les constructions individuelles, sont très souvent installés à même la voie publique ! Là, la faute incombe entièrement aux APC qui, a priori, laissent faire, alors que la loi fait obligation aux constructeurs, de quelque nature que ce soit, de respecter l'environnement et le voisinage. Le pays s'est pourtant blindé de lois contre les pollueurs. La plupart des constructeurs ne savent même plus qu'il faut, en sus du permis de construire, un permis de voirie ! L'APC, de son côté, ne les vérifie jamais, arguant la possession d'un permis de bâtir. Alors que beaucoup l'enfreignent, transformant à leur guise leur R+1 en R+2, 3 voire même 4 et plus. Après le séisme de Boumerdès, tout le monde a juré plus jamais ça ! Dans les nouveaux quartiers, sur les hauteurs d'Alger, où la fièvre de la brique n'a de cesse de monter ; à la moindre pluie, c'est la gadoue, le cloaque. Dans les banlieues, Draria, Baba Hassen, El-Achour, Delly Ibrahim, Chéraga, Oued Fayet, pour ne citer que ces mini-villes inachevées de l'ouest d'Alger, des rues et ruelles sont jonchées, à longueur d'année, de matériaux de construction et de montagnes de gravats, livrés, en été, aux vents du sud et, en hiver, aux pluies dont les coulées effacent, par ailleurs, les efforts d'embellissement que des APC effectuent, sans relâche, pour donner un semblant de cachet urbain à l'incurie et au fait accompli de constructeurs, dont les travaux traînent indéfiniment, avec les innombrables incommodités qu'ils imposent au voisinage et à l'environnement. Le phénomène a même gagné le vieux bâti. À Hydra, El-Biar, Télémly, Bologhine, Hammamet, Notre-Dame d'Afrique et Bouzaréah, les petites villas sont démolies, les une après les autres, pour laisser place au goût du moment : d'indescriptibles mini-immeubles, adossés les uns aux autres, et juchés sur d'immenses garages. Une offense à la Capitale Une offense à la nature dans une capitale en escaliers, avec, au nord, à l'est et à l'ouest, une vue panoramique imprenable sur la mer et au sud l'horizon de la Mitidja, qui court jusqu'aux sommets de Chréa. Alger la blanche et son ciel azur ne sont plus qu'un lointain souvenir. Les pluies diluviennes ont également révélé le mal façonnage dans le bitumage des routes. À Bouzaréah, la pluie a mis à nu le récent rafistolage de ses chaussées. Sa route principale ressemble à une piste, au lendemain d'un bombardement. Même Hydra n'a pas échappé au phénomène. Apparemment, c'est une question de savoir-faire. Les travaux publics étaient pourtant au top, comme la Sonelgaz et tous les autres prestataires des services publics. Les départs à la retraite expliquent, en partie, la situation. Le matériel est flambant neuf, mais la relève n'a ni la “main” ni la “conscience du travail bien fait”. L'incompétence est aggravée par le manque de coordination entre les intervenants. Un chantier remplace un autre et refait les trous de son prédécesseur ! Les entreprises privées, qui ont pris la relève, pour la plupart bricolent, sans être astreintes à l'obligation du travail bien fait. Et, ce n'est pas toujours pour des motifs de corruption. Les maîtres des ouvrages, eux aussi, souffrent d'incompétence. Les APC ont beau embaucher architectes et ingénieurs et s'adjoindre des bureaux et cabinets d'études, rien n'y fait. Le nouveau personnel a été, plus ou moins, formé et, généralement, sans expérience pratique. C'est toute la chaîne de la formation professionnelle, y compris celle de base, qui est interpellée. Avant, un simple cantonnier, analphabète de surcroît, savait ce qu'il faut faire pour prévenir la furie des eaux. Avant aussi, les APC verbalisaient tous les pollueurs, fixant de stricts délais à l'évacuation des gravats sur la voie publique, n'hésitant pas à pénaliser les contre-venants. D. B.