Lorsqu'en 2012, le MDN, via une lettre adressée aux médias, contestait le qualificatif de "grande muette" dont on affublait l'institution militaire, au motif que "(...) le monde a subi de profondes mutations et les militaires recouvrent leur droit de vote et d'expression", on pensait alors que l'armée inaugurait une nouvelle ère dans sa stratégie de communication et que ses éléments, notamment les officiers, qu'ils soient actifs ou de réserve, étaient en droit de s'exprimer librement, en vertu des droits constitutionnels sur l'égalité des droits entre les Algériens et la garantie de la liberté d'expression que leur conférait la loi fondamentale, sur tous les sujets, en dehors, bien entendu, du secret militaire et des sujets classés sensibles. Pourtant, quatre ans plus tard, le gouvernement, avec une célérité autant intrigante qu'inexpliquée, élabore deux projets de loi portant statuts des officiers de réserve et des personnels militaires que l'APN adopte en deux temps trois mouvements, en juin 2016. Ainsi, les nouvelles dispositions relatives aux officiers de réserve stipulent que "le militaire actif sur le point de cesser définitivement le service dans les rangs de l'armée et mis à la réserve exerce ses droits et libertés consacrés par les lois de la République mais reste assujetti à l'obligation de discrétion et de réserve". Selon ces mêmes dispositions, "tout manquement à ce devoir de nature à compromettre la dignité et l'autorité des institutions de l'Etat est considéré outrage ou diffamation et peut, sur demande des pouvoirs publics, donner lieu à un retrait de la médaille d'honneur ou à un dépôt de plainte auprès des juridictions compétentes conformément aux dispositions en vigueur". Il est également stipulé que "le militaire actif qui sur le point de cesser définitivement le service au sein de l'armée et mis à la réserve qui viole l'obligation de discrétion ou de réserve s'expose à une dégradation". Le projet de loi portant statuts des personnels militaires énonce l'obligation de réserve à laquelle doivent se conformer les militaires après avoir cessé de servir dans les rangs de l'armée. Pourquoi ces textes au "caractère urgent", selon le gouvernement, qui n'existent nulle part ailleurs et que l'opposition a du reste dénoncé ? Si officiellement, il "s'agit d'un nouveau jalon et un fondement juridique dans la construction de l'édifice de l'institution militaire" et participe d'une volonté d'"éloigner l'institution militaire des luttes politiques", aux yeux de beaucoup d'observateurs, ils sont motivés par les "craintes de déballage", notamment après la sortie du général Hocine Banhadid. On se rappelle, cet officier en retraite avait "largué des bombes", lors d'un entretien accordé à Radio-M, en septembre 2015, en accusant, entre autres, Saïd Bouteflika d'être derrière le limogeage du général-major Mohamed Mediène de la tête des services et de se préparer à la succession de son frère. Il y a aussi l'ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, qui n'hésite pas à "torpiller" l'actuel chef d'état-major en lui prêtant des "ambitions démesurés". "Il serait malheureux et triste pour la République que les députés cautionnent ce texte qui, si par malheur il était voté, ferait des honorables élus du peuple qu'ils sont, les garants d'une action machiavélique qui ne vise nullement à sauvegarder les intérêts de la nation, mais à satisfaire les ambitions politiciennes démesurées et égoïstes de ses initiateurs", avait-il écrit aux députés la veille de l'adoption des textes. Mais, c'est probablement pour empêcher aussi l'ancien patron des services, qui a défendu vainement son protégé, le général Hassan, qui croupit en prison et dont les raisons de son incarcération n'ont pas encore livré tous leurs secrets, que ces textes ont vu le jour même si l'homme est réputé pour son culte du secret. Mais, en tout état de cause, l'élaboration de ces textes ne peut être déconnectée de ce contexte politique trouble marqué par des réaménagements au sein des structures de l'armée et des manœuvres en coulisses en perspective de la succession à Bouteflika. K. K.